Violence Conjugale – 23ième partie

 Violence conjugale (suite)

 

Sortir du silence

 

Mais comment faire, c’est d’abord accepter d’en parler, et de parler de ma souffrance, de ce qui me tracasse, de ce qui me gêne, et la parole est un acte avant tout; elle prédispose à la construction d’une relation. Cela suppose un changement dans la position de l’observateur, ce tiers témoin qui accepte de considérer comme la réalité ce qu’il entend, en d’autres mots, qu’il accepte que « ça » puisse se dire. Ici, l’observateur est compris comme l’environnement social de l’individu, le père, la mère, le voisin.

 

L’observateur fait partie de l’expérience, il est impliqué dans le processus qu’il observe, non seulement impliqué, mais il en influence le processus. Il n’est pas étranger à ce qui se passe; dès qu’il intervient, il est partie prenante de la problématique. Cela soulève une dimension éthique touchant la compassion : fairequelque chose pour l’autre qui souffre, reconnaissant autrui comme Soi.

 

Un exemple de changement rendu possible, c’est-à-dire rendu visible ces dernières années, est celui entourant le dévoilement d’abus sexuel ou encore celui de la violence exercée par des rapports de domination, générateurs de tant de souffrances, de tant d’oppressions. D’invisibles qu’elles étaient, ces situations sont dénoncées de plus en plus de nos jours parce que l’observateur accepte de considérer comme la réalité ce qu’il entend. Le féminisme aidant, ces phénomènes n’ont été rendus apparents que depuis la fin des années 70, début 80. Non pas parce qu’ils n’existaient pas avant, mais bien parce qu’il y avait une sorte de pacte implicite, presque aveugle, presque sourd aussi, dans l’écologie sociale où tolérance et mécanisme d’adaptation faisaient bon ménage et rendaient la chose banale en niant, bien sûr, la souffrance éprouvée  aussi bien par les victimes que par les agresseurs. Avant, une telle chose n’était pas pensable; et quand ça n’est pas pensable, il ne peut y avoir de représentation. L’ordre ainsi défini, servait à préserver le mythe de la famille idéale puis, bien sûr, vu en macro système, de l’organisation sociale. On peut en déduire que, quand le contexte de la pensée collective change, l’observation individuelle change aussi.

 

Mais accepter que cela puisse se dire suppose préalablement la reconnaissance de lautre,  la capacité de l’entendre, la capacité d’être là, la capacité de créer une relation et, en même temps, de légitimer à juste titre le rôle d’un intervenant.

 

Toucher la souffrance sociale, c’est toucher à ce malaise diffus, causé soi-disant par des altérations biologiques, qui portent le nom de folie (mais qui nous fait demander « qu’est-ce qui va dans ta vie? » plutôt que « qu’est ce qui va dans ta tête ? ». 

 

Mais, toucher la souffrance sociale, c’est aussi toucher une plaie honteuse; c’est la peur d’être contaminé, c’est tabou. Toucher la souffrance sociale, c’est toucher à cet autre qui est nôtre, la face cachée de l’envers du monde que l’on refuse d’admettre comme sien. Ce sont ces souffrances faites de honte, d’humiliation, entraînant retrait social, disqualification, rupture, distance, dissimulation.

 

*À suivre *

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