Violence Conjugale – 13ième partie
Violence conjugale (suite)
LA SOUFFRANCE INTÉRIORISÉE CHEZ L’HOMME VIOLENT
Vincent de Gaulejac, dans les sources de la honte (1996) nous démontre comment la honte est un inhibiteur socio-psychologique puissant qui empêche l’individu d’ouvrir sur la souffrance.
Selon De Gaulejac, ce sentiment s’enracine dans l’enfance. Il se consolide au fur et à mesure que l’enfant grandit et envahit, petit à petit, l’ensemble de la psyché. Il a peut-être des racines inconscientes, mais semble lié surtout à des situations vécues par l’enfant ou par l’adolescent où, dans son contexte familial, les règles du jeu sont apparentées au secret, à la déconsidération, à l’infériorité.
Son identité est doublement perturbée.
Identité propre dont la composante négative remet en question la confiance en soi et la construction de sa personnalité à l’identité familiale et sociale marquée par le doute, l’invalidation, la dissimulation et la stigmatisation. Forgée des déterminations du milieu et des composantes personnelles, la honte c’est le désamour de soi, c’est penser qu’on est mauvais à l’intérieur.
En suivant la trajectoire de vie de ce même enfant devenu adulte, les problèmes sociaux qui le guettent, pour ne nommer que pauvreté, misère affective, disqualification sociale, l’amènent à intérioriser une image négative qui, petit à petit, détruit de l’intérieur non seulement la révolte, mais aussi la capacité d’action. Et le malaise éprouvé revient en permanence. De Gaulejac ajoute que la honte est ce sentiment présent chez toutes les personnes invalidées du fait de leur statut, chez tous ceux qui sont en position de dominés. « Lorsqu’on est socialement défini par un manque, sans profession, sans diplôme ou inactif, il est difficile de garder une bonne image de Soi et d’affirmer une attitude positive. » Affiché de l’identité du manque, on comprend mieux alors que la souffrance soit devenue invisible.
Dans la sphère sociale, l’amélioration constante de la condition humaine dans sa quête du mieux –être rend peu accessible l’expression à la souffrance.
On ne veut pas en entendre parler. La souffrance alors n’en est que doublée : de la douleur elle-même infligée et de l’interdiction d’en parler.
L’Impossibilité d’exprimer socialement cette souffrance la rend encore plus difficile à supporter. C’est ce que Pascal Bruckner, essayiste et romancier (2001), qualifie d « hédonisme à visage souriant », mais aussi, reprend-il « ce sourire a quelque chose de profondément inhumain ». Qu’il suffise de se rappeler comment dans le monde des vivants, les rituels rattachés à la mort se perdent. On les enterre très vite comme on enterre la mort. Et on ne veut surtout plus en entendre parler.
*À suivre*
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