LE CAHIER PHILOSOPHIQUE - 34ième partie
LA PERSONNALITÉ
Le patient s’adresse à un psychothérapeute dans un but de guérison, de réparation, parce qu’il est confronté à l’angoisse, à la culpabilité, à la dépression ou à des problèmes relationnels qui compromettent son bien-être. Menant une vie affective et sociale appauvrie, il attend de la psychothérapie qu’elle l’aide à moins souffrir et à s’adapter au monde. Il espère, grâce à elle, rétablir un équilibre et dans la majorité des cas, il s’apercevra que ses difficultés actuelles proviennent de déficits dans la satisfaction de ses besoins d’écoute, de tendresse, d’estime, de sécurité. En outre, il découvrira que ces manques renvoient, souvent, aux premières années de sa vie, et il sera donc amené à renouer avec l’enfant souffrant qu’il fut autrefois, un enfant qui a été privé de sécurité affective, de tendresse, de respect, de compréhension, autrement dit qui n’a pas pu satisfaire ses besoins de base, et qui parfois même, a subi des traumatismes. Grâce à cette investigation dans la profondeur de son passé, le sujet pourra retrouver une vie normale.
Tout autre
est l’objectif du développement personnel. L’individu qui s’y engage désire plus qu’une
vie normale; il aspire à une vie intense, l’équilibre l’intéresse moins que la
croissance. Il est mû par une aspiration
au développement non par de simples besoins de base. Il recherche non seulement le mieux-être,
mais le plus être. Il a soif de
plénitude. Au lieu d’une existence qui
serait seulement « adaptée » et « normale », et qui lui
semble presque ennuyeuse et stérile, il rêve d’une vie excellente, débordante
de créativité, intensément heureuse. Le
bonheur paisible attire moins que le bonheur passionné. Tel est, résumé en quelques lignes le contenu
de ce que Maslow appelle la « méta-motivation » ou le « besoin
de réalisation de Soi ».
Ce souci de
la réalisation de Soi ramènera aussi le sujet à son enfance, mais, observe
Maslow, ce retour à l’enfance aura une toute autre signification que dans une
psychothérapie : celle-ci cherche à réveiller l’enfant souffrant en Soi
afin d’expliquer les maux présents et de les réparer, alors que le développement
personnel cherche à retrouver le dynamisme de l’enfant joyeux, créateur, ivre
de vie, impatient de grandir, animé d’un incessant désir d’expansion, ouvert à
la nouveauté, capable d’émerveillement.
Les besoins
de développement étant hiérarchiquement supérieurs aux besoins de base, on
conçoit qu’ils ne puissent être pris en compte avant que les seconds n’aient
été satisfaits. De fait, tant qu’un sujet souffre de sérieux manques affectifs,
il ne peut espérer se réaliser vraiment.
Il importe d’abord qu’il guérisse.
Avant d’aspirer au plus-être, il faut assurer le bien-être.
Chez le
névrosé, la satisfaction du besoin d’épanouissement sera donc ajournée et,
comme l’écrit Maslow « seul un individu en bonne santé, qui a suffisamment
gratifié ses besoins de base, peut se permettre d’être motivé par le désir de
réalisation de Soi. C’est-à-dire par ses
méta-motivations ».
En
pratique, les deux processus de guérison et de réalisation de Soi s’articulent
de diverses manières. On peut suivre
l’ordre « logique » c’est-à-dire commencer par une
psychothérapie. Dans ce cas, à mesure
que celle-ci se rapprochera de son terme, le sujet modifiera peu à peu son
objectif en le transformant en un projet de développement personnel. Il arrive aussi qu’on choisisse initialement
des activités de développement personnel pour découvrir, chemin faisant, qu’on
a besoin prioritairement d’une psychothérapie.
Alors, le désir de développement personnel aura été le révélateur (et
peut-être aussi une forme de dénégation d’un déficit affectif lié à l’insatisfaction
d’un besoin de base, déficit dont on n’avait pas conscience avant
d’entreprendre cette démarche. Mais
cette interpénétration du processus de guérison et de réalisation de Soi n’empêche
pas qu’ils soient, fondamentalement, de nature différente.
Ainsi, loin
d’être parent pauvre de la psychologie, le développement personnel aborde les
questions les plus élevées car elles concernent le sens-même de la vie. C’est ce qui conduisit Maslow à adopter une
position très critique à l’égard de la psychologie enseignée à l’université.
Le reproche
qu’il lui adressait était de laisser de côté les questions essentielles. Selon Maslow, la psychothérapie du XXe siècle
a commis l’erreur de se polariser sur la maladie et de négliger l’étude des
sujets saints. Elle s’est enfermée dans
un réduit clinique, entretenant ainsi une vision tronquée de la nature humaine.
Le souci de la guérison, de la restauration, a occulté la réalisation de Soi.
À force
d’étudier les manques, les déficits, les névroses, on a méconnu l’élan vers le
plus être, le besoin de dépassement , la dynamique de l’épanouissement. En d’autres termes, l’arbre a caché la forêt.
Maslow
insistait également sur le point suivant : le besoin de réalisation
personnelle est, à l’instar des besoins psychologiques de base, un besoin
inné. Il est constitutif de la nature
humaine.
De même que
nous sommes programmés pour ressentir le besoin de tendresse, d’amitié,
d’écoute, d’estime, d’appartenance, de sécurité, c’est-à-dire les besoins
psychologiques de base, nous sommes programmés pour la réalisation de Soi. En pratique, admettait Maslow, ce besoin
n’est pas ressenti avec la même intensité par tous les individus. D’abord, il y a ceux qui ressentent un
mal-être affectif ou relationnel . Chez
ces individus, le besoin de se réaliser est éclipsé par le besoin, plus
immédiat et plus pressant, d’aller mieux, de guérir, de supprimer la
souffrance.
* à suivre *
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