LE CAHIER PHILOSOPHIQUE - 33ième partie

LA PERSONNALITÉ


Avant de conclure avec Maslow, récapitulons pour mieux saisir son approche et la comparer avec celle de Freud.  

Dans leurs travaux avaient un désir spécifique de réalisation de Soi.  Quelle est cette impulsion, venue du plus profond de nous-mêmes, qui pousse à la réalisation de Soi? Est-elle présente en chaque être, ou ne caractérise-t-elle  qu’une minorité d’individus?  Le désir de réalisation personnelle est-il identique à ce que Freud appelle « la sublimation »? (Dixit M. Lacroix)

 

Ces questions sont au cœur de la théorie psychologique élaborée par Abraham Maslow dans  les années 1950-1960.  Maslow a mené une réflexion approfondie sur la réalisation de Soi et ses ressorts motivationnels.  Il est l’auteur de référence pour la plupart des psychologues, psychiatres, thérapeutes, formateurs, coaches, spécialistes des ressources humaines qui s’occupent actuellement du développement personnel.

Le moment est venu de lui donner la parole.  Né à Brooklyn en 1908 de parents juifs originaires de Russie et mort en Californie à l’âge de soixante deux ans, Abraham Maslow fît une brillante carrière universitaire aux États-Unis.  Il occupa en particulier la chaire de psychologie de l’université Brandeis.  En 1967, il fut élu président de la prestigieuse association américaine de psychologie. 

L’originalité de Maslow réside dans l’orientation qu’il donna à ses recherches.  Dès ses années d’études à l’université de Wisconsin, il s’était senti attiré par un domaine d’investigation qui était ordinairement délaissé par les universitaires et les praticiens de la psychologie.

 

La plupart de ses condisciples avaient pour objectif de travailler dans le domaine de la pathologie et de la psychologie clinique.  Ils voulaient étudier les problèmes affectifs, les complexes, les angoisses, les phobies, les états dépressifs, les traumatismes, les problèmes relationnels, les conflits intrapsychiques.

 

Maslow, lui, ne se sentait pas une âme de clinicien voué à se pencher, sa vie durant, sur les individus en proie au mal-être.  La pathologie au fond, ne l’intéressait pas.  Il voulait étudier les individus qui mènent une vie riche, créactive, intense, les individus qui vont jusqu’au bout d’eux-mêmes.  Il s’intéressait à la réussite et au dépassement de Soi.

Son objectif n’était pas d’analyser le mécanisme des névroses, mais de percer le secret de la réalisation de Soi.  Maslow pressentit que l’étude des êtres qui se sont réalisés (il les appelait « auto-actualisants », self-actualizers) constituait un domaine d’investigation original, un continent quasiment inexploré… qui attendait son Christophe Colomb.  Il voulait être ce découvreur.

Maslow était fasciné par les personnalités remarquables, les créateurs, les grands hommes d’action, les leaders politiques, les aventuriers, les mystiques, les sages, les héros, qui semblent mener une vie supérieure.

Alors qu’il était jeune doctorant à New Yrk, il avait eu deux professeurs auxquels il voua une profonde admiration : Ruth Benedict et Max Wertheimer. 

Ces êtres rayonnaient de charisme et de profondeur.  Maslow avait essayé de comprendre : En quoi ces deux personnalités diffèrent-telles des autres?  Qu’est-ce qui les élève (ou du moins paraît les élever) au-dessus de l’humanité commune?  Ce genre de questions ne cessa de préoccuper Maslow pendant trente années, il s’efforça de comprendre  le fonctionnement mental des êtres d’exception, c’est-à-dire les êtres qu’ont mené à bien leur réalisation personnelle.

Le socle de la théorie de Maslow est la distinction entre deux types de besoins psychologiques, distinction qu’il a traduite de façon imagée dans sa fameuse pyramide des besoins.

Les êtres humains, explique-t-il, éprouvent en premier lieu des  « besoins psychologiques de base »,  le besoin de recevoir et de donner de la tendresse, le besoin d’avoir une vie sexuelle harmonieuse, d’être écouté, estimé, reconnu, le besoin de nouer les liens amicaux et sociaux, d’être intégré à un groupe (besoin d’appartenance) et enfin le besoin de jouir d’un certaine sécurité psychologique, car l’individu ne peut se sentir serein si les comportements des autres envers lui sont imprévisibles.

De la satisfaction de ces besoins, précisait Maslow, dépend notre équilibre psychologique. Leur gratification est la condition même de notre bien-être.

Nous ne pouvons être « heureux », « contents », « bien dans notre peau », que si ces besoins élémentaires sont satisfaits.  La non satisfaction de ces besoins entraîne immanquablement une carence, un déficit qui se traduisent par une névrose : « névrose, écrit Maslow, peut être considérée comme une maladie déficitaire. »  Cette première série de besoins des limites le champ de la psychothérapie, dont la fonction est restauratrice réparatrice : « la caractéristique principale des gens qui ont besoin d’une psychothérapie, précise Maslow, est une déficience ancienne ou actuelle dans la gratification d’un besoin de base. »  Ainsi, c’est pour combler son manque d’amour, de tendresse, de respect, d’écoute, de reconnaissance, de sécurité psychologique, que l’on entreprend une psychothérapie.

Outre ces besoins de base, l’être humain ressent des besoins d’un niveau supérieur, des « besoins de développement » qui se traduisent par une aspiration à l’accomplissement de Soi. Pour désigner ces besoins situés à l’étage supérieur de la pyramide, Maslow emploie volontiers des expressions comme need toward self-actualization (« besoin de réalisation de Soi ») ou méta-need (« méta-besoin »).  Aux motivations par le déficit, qui caractérisent les besoins de base, s’opposent donc des motivations pour le développement, ou méta-motivations. Maslow décrit cette deuxième face de la personnalité à l’aide de formules puisées dans la sémantique de l’épanouissement : « mettre en œuvre ses qualités », « employer toute son énergie personnelle », « utiliser son potentiel », « prendre conscience de ce que l’on est », « chercher l’unité et l’intégration », Aller jusqu’au bout de Soi », accomplir sa destinée », « croître », « être créatif ».

 

L’un des grands mérites de la théorie de Maslow est, ainsi, de nous montrer de façon très précise où passe la frontière entre la psychothérapie et le développement personnel (ou réalisation de Soi).  Ce qui distingue ces deux démarches est que l’une prend en charge les besoins de base, ou processus de guérison, l’autre cherche à déclencher une dynamique de maturation.  Dans un cas, on pense en termes d’adaptation, de restauration dans l’autre, on se situe dans une perspective d’évolution, de création. Il y a entre les deux démarches la même différence qu’entre l’équilibre et la croissance.


* à suivre *

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