LE CAHIER PHILOSOPHIQUE - 25ième partie
LA PERSONNALITÉ
À l’âge de l’apparition des incapacités
qui affectent la perception de soi, peut-on parler d’un stade de développement?
Les personnes du troisième âge
essaient, à ce moment précis de leur existence, de donner un sens à leur vie.
La vie est alors perçue comme un tout. L’intégrité personnelle nous dira
Erikson, 1974, p. 179 »…c’est l’acceptation de son seul et unique cycle de vie
comme quelque chose qui devrait être et qui ne permettait pas de changement ».
Une vie individuelle est la coïncidence d’un cycle de
vie unique avec un segment
d’histoire unique et toute intégrité humaine
s’installe ou se perd dans le style
d’intégrité des vies auxquelles elle prend part
(Erikson, 1982, pp 65-66, cité
par Houde, 1986, p.37).
Erikson, particulièrement dans Insight
and responsiblity 1964, pp. 111 à 113 a cherché à nous présenter des forces
internes du moi ou vertus avec une prédominance de la partie positive sur la
partie négative à chaque étape du développement psychosocial. Le
vocabulaire d’Erikson pour décrire le moi est le suivant : ego strength, inherent
strength, certain human qualities of strength, an increase in the strength and
slaying power on the patient’s concentration on pursuits which are somehow
right, etc.
En somme, ce tableau des 8 étapes
dans le développement de l’homme nous présente les résidus du moi après chaque
crise psychososiale.
Freud vs Erikson
Erikson en est venu à penser que le
cadre freudien du développement de la personne était trop étroit. La croissance
du moi uniquement en terme d’investissement libidinal tel qu’avancé par Freud
lui parut comme trop restrictif. Pour Erikson, le moi se structure aussi à
l’âge adulte et non pas seulement durant les premières années de la vie comme
semble le proposer Freud à travers ses stades de développement. Il y a des aspects
à considérer dans le développement de la personnalité que Freud a ignoré :
1. Au niveau somatique, il y a des
forces physiques et des faiblesses qui interviennent, en particulier en
vieillissant.
2. Au niveau personnel, il y a
l’histoire des événements de l’existence et la manière dont les stades de
développement sont vécus.
3. Au plan social, il y a des forces
sociales, historiques et culturelles à considérer.
En effet, Erikson insiste beaucoup
sur les modalités socio-culturelles qui ont une influence sur le développement
du moi. A chacun des stades, Erikson ajoute des éléments du conditionnement
socio-culturel. Ces éléments influencent le développement du moi et ils
modèlent l’homme, y compris durant la dernière partie de son existence.
La théorie du développement d’Erikson
est bâtie sur la théorie de Freud. Freud y parle de l’homme et de sa sexualité
alors qu’Erikson y parle de l’homme et de la société. Signalons certaines
divergences :
1. Erikson met l’accent sur l’égo plutôt
que sur l’id;
2. Freud a établi le triangle
père-mère-enfant; Erikson voit l’enfant dans la famille et la famille dans la
société;
3. Freud a voulu montrer l’existence
et le fonctionnement de l’inconscient; Erikson tente de démontrer l’existence
de certains facteurs de développement;
4. Freud s’est appliqué à résoudre
des problèmes pathologiques alors qu’Erikson tente de trouver une solution
positive aux crises de développement.
CONCLUSION
Il y a peu de théoriciens qui ont
présenté une approche du développement de la personnalité et du moi en y
englobant tout le cycle de la vie et en y joignant des données biologiques,
psychologiques, sociales et culturelles. L’approche ériksonnienne semble la première
qui présente le moi dans tout le cycle de la vie.
Erikson nous a permis de reconnaître que l’homme, de l’enfance à l’âge avancé, expérimente des changements dans le développement du moi et que cet enrichissement se fait tout au cours du cycle de la vie dans une perspective de développement continu. Le comportement humain et la personnalité sont de nature interactive, et le moi joue le rôle d’agent interne dans cette interaction.
Pour l’école psychanalytique, et en particulier avec Freud et Erikson, un postulat demeure; l’enfance est la clé dans le développement du moi. Comme nous l’avons déjà signalé, les cinq premières phases d’Erikson sont la reformulation et l’expansion des cinq stades psychosexuels de Freud alors que les trois autres phases s’attardent au développement de l’adulte. C’est donc de l’enfance qu’émaneront la plupart des processus du développement et de la formation du moi. Aujourd’hui cependant, ce même postulat est fortement remis en question, en particulier par Baltes, Reeves et Lipsitt (1980) de même que par Brim (1980). En revanche Monge (1975) soutient de son côté qu’il n’y a pas de modification de la perception de soi dans le vieillissement. Costa et McCrae (1977), Costa et al. (1980), Leon et al. (1979) et McCrae et al. (1980) de même que Siegler et al. (1979) soutiennent encore, et avec des faits précis pour appuyer les résultats de leurs recherches, que la personnalité de l’adulte et de la personne âgée est relativement stable. Quant à Gilligan (1982), elle enregistre une dissidence quant aux schèmes masculins utilisés par Erikson.
Pour bien comprendre ce qui se passe en vieillissant et devant toutes ces contradictions, une recherche nous apparaît de mise. Nous pensons qu’il serait opportun de consulter un autre auteur classique dans le domaine de la psychologie humaniste, Abraham Maslow, qui s’est aussi penché sur le développement du moi et de la personnalité. Nous conclurons avec Erikson que :
Plus on écrit sur ce thème (l’identité) et plus les mots s’érigent en limite
autour d’une réalité aussi insondable que partout
envahissante. On peut
seulement l’explorer en constatant, dans toutes sortes
de contextes à quel point
elle est indispensable (Erikson, 1972, p.5).
En fait, comme le démontre Clayton (1975) le modèle d’Erikson est trop vague et laisse songeur. Selon lui, très peu de personnes âgées atteindraient la prudence et la sagesse qu’Erikson décrit au huitième stade de développement.
* à suivre *
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