PHILOSOPHIE - Émotion Et Sa Compréhension Au Niveau Physiologique, Psychologique Et Social - 6ième partie
Regard culturel sur les émotions
En résumé donc, on constate que les
présupposés de nos théories psychologiques qui sont que l’émotion est quelque
chose d’intérieur, qui renvoie à la vérité de la personne et que, en règle
générale il faut exprimer, se heurtant à des positions parfois opposées dans
d’autres contextes où l’accent peut être mis sur le processus des rapports avec
l’entourage et sur d’autres façons de composer avec l’émotion.
Chaque culture possède ses codes
concernant les circonstances et les situations appropriées à l’expression d’une
émotion. Cela fait partie de la politique familiale et sociale. Les Arabes et
les Juifs Sépharades comme les Équatoriens et beaucoup d’autres peuples
épanchent leur deuil avec autant de force qu’il le faut pour souligner le
sentiment de solidarité des survivants à travers l’épreuve de la mort d’un membre.
Et il ne s’agit pas d’un déploiement uniquement théâtral : les sentiments sont
profondément vécus en même temps qu’ils donnent lieu à des crises éclatantes.
Le même spectacle dans nos sociétés est mal accueilli ou reçu avec un calmant
ou un remontant considérés comme appropriés en de telles circonstances. Les
cris ne sont plus signes de solidarité familiale, mais renvoient à un
attachement suspect avec la personne défunte. Cet exemple parmi tant d’autres
permet de réaliser que le contexte culturel dicte dans une grande part la façon
de se comporter en présence de ses sentiments. En agissant ainsi, l’individu
obéit à un éthos. Il se doit d’être brave en présence d’un malheur, humble
vis-à-vis les moins fortunés, dégoûté par le mal. Les variations ne sont pas
moins fortes chez les gens d’un autre groupe que dans le sien propre même si
l’on est moins en mesure de saisir les nuances dans le premier cas.
Le plus grand danger est cependant
moins de manquer les distinctions que de ne pas reconnaître les émotions là où
elles apparaissent. Les discours des classes éduquées et des thérapeutes à
l’égard des classes défavorisées sont parfois déconcertants. Lors d’une conversation
avec un bourgeois de la ville de Quito en Équateur, j’ai eu l’occasion de lui
parler de la nature de mes recherches concernant la tristesse et les émotions
dans les villages de montage. Cet homme de bonne foi rencontrait probablement
presque quotidiennement des Amérindiens, peut-être même avait-il été élevé par
une femme en provenance de ces régions. Il se montra néanmoins extrêmement
surpris d’apprendre que je perdais mon temps à chercher des choses qui
n’existaient pas. « Ces Indiens sont-ils tristes? Comment peuvent-ils l’être?
Ils vivent comme des bêtes là-haut ». Ces propos sont souvent repris avec moins
de naïveté mais avec tout autant de force dans certains écrits et dans certains
comportements de cliniciens. On entend dire que les gens de tel groupe ethnique
ne font jamais référence à leurs émotions, qu’ils n’ont pas conscience de leur
vie intérieure, qu’après tout ils n’ont peut-être pas de vie psychologique. Au
mieux, ils vivent tout à travers leur corps, c’est-à-dire qu’ils psychosomatisent.
Ils ne parlent que de leurs maux de ventre, que de leur cœur qui ne cesse de
battre, jamais d’anxiété ou de dépression.
* à suivre *
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