PHILOSOPHIE - Émotion Et Sa Compréhension Au Niveau Physiologique, Psychologique Et Social - 4ième partie
Regard culturel sur les émotions
Pour Michel Toussignant, la question
de savoir si les émotions sont universelles ou généralement programmées remonte
au moins jusqu’à Darwin. Pour les grandes émotions de l’existence, il semble
que la réponse soit définitivement affirmative mais le début est loin d’être
terminé pour les émotions moins directement impliquées dans la survie
biologique. On se demande toujours si le rapport que tout un chacun entretient
avec son propre vécu, c’est-à-dire tout cet ensemble de sensations et de
cognitions qui forme le tissu de la vie émotionnelle, peut permettre de
participer aux expériences émotionnelles de n’importe quel être humain et de
saisir ce qu’il ressent en court-circuitant les artéfacts de la culture. Y
a-t-il une différence si importante entre un mari jaloux au Québec et un mari
jaloux en pleine jungle Amazonienne? Les travaux de Ekman (1980) portent à
croire que les grandes émotions de l’humanité sont presqu’identiques sur toute
la surface du globe. Celui-ci interviewé des habitants de l’intérieur de la
Nouvelle Guinée, dont les contacts avec les Blancs avaient été minimaux, afin
de vérifier s’ils étaient en mesure de reconnaître à partir de photos et de
bandes magnétoscopiques les expressions des émotions les plus caractéristiques
des Occidentaux comme la joie, la colère et la tristesse. Ses résultats
prouvent que la tâche est possible. On pourrait aussi citer ici les travaux de
psycho- et de neurophysiologie qui démontrent l’ancrage corporel de certains
vécus émotionnels, en particulier la dépression et l’anxiété; ses travaux
suggèrent à leur façon que les émotions sont universelles à cause de leur
substrat physiologique.
Les critiques à une telle position
sont nombreuses : il apparaît que même dans l’histoire récente de l’Occident,
les émotions dominantes ont changé de nature ou, à tout le moins, de fréquence.
L’essayiste et romancier américain Normand Mailer n’a pas hésité à recourir à
la métaphore un peu outrancière de « mutation psychologique » pour qualifier
les modifications de la vie affective d’une population croissante de
psychopathes en Amérique. Hendin (1974) avoue sa nostalgie et s’inquiète de ne
plus rencontrer la passion romantique dans les rapports amoureux qui lui sont
décrits par les collégiens qui viennent le consulter à l’Université Columbia de
New-York. Est-ce là une crainte vis-à-vis des attachements profonds comme il le
prétend ou une de ces mutations de la vie affective? Les psychanalystes ont
également jugé bon de réaménager leurs théories basées sur les névroses pour
remettre au centre de leurs préoccupations les sentiments de vide et d’ennui
chronique qui habitent les personnalités narcissiques et les états-limites ou
encore la recherche d’excitations qui caractérise certaines pathologies.
* à suivre *
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