PHILOSOPHIE - La Mort - 19ième partie
Les rituels funéraires
La mort est-ce la fin de tout?
Un passage?
Une renaissance?
En apparence, personne ne sait rien. Mais si la mort est l’horizon ultime, comment
peut-on vivre pleinement dans l’ignorance de ce qu’elle est :
En effet, toutes les cultures et
toutes les religions ont leur propre version de ce qu’est la mort. Mais aucun ne semble s’accorder.
Le rituel est un langage (paroles,
gestes et symboles) qui donne un sens au réel. Le rituel présente deux
fonctions : il sert d’abord à exprimer des idées et des affects, ce qui
rend possible la communication des choses qui ne peuvent pas se dire : il
contribue, entre autres, à exprimer de manière symbolique les manifestations
d’angoisse, de peur et de chagrin. Jusqu’à un certain point, le rituel remplace
le langage parlé. Il donne également à l’individu l’occasion d’agir sur son
environnement en lui permettant de faire des choses, de créer des changements à
travers les gestes.
Les rituels funéraires font partie
des rituels de passage. Le rituel de passage sert à organiser le changement
d’un état à un autre. Dans le cas des rituels funéraires, l’état en cause est
la distinction entre la vie et la mort. La durée de cette transition s’effectue
dans un laps de temps donné. Dans beaucoup de cultures, la durée de cet état
est en relation avec la période de décomposition du cadavre.
Les rituels funéraires permettent à
la société de disposer du cadavre. Ils règlent le devenir du mort en favorisant
son ascension vers une survie quelconque, après l’arrêt biologique du corps,
mais ils servent surtout aux proches. En effet, les rituels funéraires
codifient et règlementent le chagrin, ce qui a pour effet de créer la
régulation du travail du deuil. Ils permettent aux endeuillés de maitriser
symboliquement la mort en leur permettant momentanément de la nier. En effet,
les rituels servent à accepter la réalité de la mort.
Fonctions des rituels
Les rituels funéraires confirment et
renforcent la réalité de la mort. Le rituel de la veillée du corps en est un
exemple. La visualisation du corps sans vie est alors très utile puisqu’elle
confronte la réaction naturelle de négation de la mort. Ce rituel facilite la
prise de conscience de la perte. Au moment de la veillée du corps, l’endeuillé
n’est peut-être pas émotivement prêt à accepter la réalité de la mort.
Toutefois, les souvenirs engendrés par l’expérience de visualisation
permettront plus tard la confirmation de la mort.
Certains rituels permettent aux
endeuillés de ressentir le soutien et l’amitié des membres de leur réseau
familial et social.
Les rituels funéraires stimulent les
souvenirs de l’endeuillé de manière à ce qu’il puisse se former une image du
défunt, ce qui lui permet de compenser sa disparition physique. Ils aident
aussi les endeuillés à s’adapter à un nouveau mode de relation qui ne sera plus
basé sur la présence physique. Les rituels funéraires permettent aux endeuillés
de se rappeler des souvenirs associés au défunt. Par l’intermédiaire de ce
processus, les endeuillés en viennent à faire un bilan de leur relation avec le
disparu, étape importante dans le processus de résolution du deuil.
Par le rituel funéraire, la perte est
reconnue socialement et les sentiments reliés à la perte sont admis, d’où la
possibilité pour l’endeuillé d’extérioriser ses émotions. La Catharsis et la ventilation des émotions
engendrées par les rituels offrent aux endeuillés la possibilité d’exprimer
leur peine, leur douleur et leur amour, d’extérioriser leur culpabilité. De
plus, à travers les rituels funéraires, les endeuillés peuvent commencer à
dégager le sens philosophique ou religieux du décès.
Enfin, la résolution du deuil, par
l’intermédiaire des rites funéraires, s’exprime par des gestes objectifs et
adéquats, à la condition que l’endeuillé puisse se les approprier. C’est
l’endeuillé qui doit être regardé comme le facteur constitutif du processus du
deuil et non le rituel lui-même. C’est l’endeuillé qui bénéficie de l’impact
qu’a le rituel sur lui et les proches. L’accès au travail du deuil détache la
personne de l’individualité et lui offre un espace pour exprimer la véritable
contribution du rituel à l’expérience de la mort, de la perte. En d’autres
termes, l’endeuillé s’ouvre à la collectivité, il oublie sa centration sur
lui-même en s’impliquant activement dans la mise en place des rituels
funéraires. De ce fait, le deuil se manifeste infailliblement par le langage
des rituels que l’endeuillé choisit et utilise.
La participation active des endeuillés
à la mise en place des rituels funéraires les aide à s’ajuster à la mort, étape
importante dans la résolution du deuil. La majorité des endeuillés qui ont eu
de mauvaises expériences avec les rituels funéraires à cause de leur manque de
participation à leur mise en place, ont vécu des deuils problématiques. Il est
donc suggéré que les endeuillés participent activement au processus funéraire
afin de pouvoir en tirer des bénéfices psychologiques réels, ce qui leur
permettra une meilleure résolution de leur deuil.
On comprend que le deuil est une
lourde épreuve à traverser. Vivre un
deuil constitue toujours une expérience douloureuse. Dans mon étude des phénomènes liés au deuil,
je mentionne que cette expérience, vécue dans de bonnes conditions peut
constituer une source de croissance personnelle. Par contre, vécue dans des conditions
défavorables, elle peut engendrer des difficultés d’adaptation, voire même des
troubles sérieux de l’affectivité. Tout
ceci nous ramène à faire la petite histoire des rites funéraires.
Petite
histoire des rites funéraires
Du temps de l’Ancien Empire en Égypte, quand on ne
brûlait pas le corps des défunts, on se contentait de les inhumer, dans des
enveloppes de pierres rectangulaires qui avec le temps deviendront les
sarcophages bien connus. Les matériaux
de ces sarcophages étaient de provenances diverses, allant de la caisse de
bois, à ceux de pierres en passant par le calcaire, le basalte et le
granit. De la forme rectangulaire, les
sarcophages épouseront finalement le contour de la momie.
Les romans
suivent
L’idée d’utiliser des sarcophages pour ensevelir les
morts sera reprise par les Grecs et les Romains. Dépendant de la fortune du disparu, ces
sarcophages seront plus ou moins richement ornés de scènes de chasse ou de la
vie quotidienne. On pouvait les
illustrer par des tableaux montrant la personne décédée dans son travail. C’est à partir du 4e siècle avant
Jésus Christ que l’on verra l’avènement pour de bon de la tombe rectangulaire.
Question de
distance
Un élément qui a milité en faveur du cercueil
rectangulaire au détriment du sarcophage, c’est que ce dernier était souvent
très lourd et nécessitait un assemblage sur place. S’il fallait déplacer le corps de son lieu de
décès à celui de l’inhumation, le cercueil était beaucoup plus facile à
transporter.
Mais que ce soit le sarcophage ou le cercueil, ils
étaient destinés à une classe de possédants.
C’étaient même des symboles de distinction sociale. Le pauvre était quant à lui enveloppé dans
une grosse toile d’étoupe appelée sarpillère et jeté dans une fosse commune.
L’Église s’en
mêle
En occident, l’Église aura son mot à dire sur le droit
ou non à être inhumé dans un cimetière catholique. En France par exemple, sous l’Ancien régime
d’avant la révolution, c’est elle qui s’arrogeait un droit de regard sur toutes
les inhumations du royaume. Il était
formellement interdit d’être mis en terre sans être passé par l’église
paroissiale. C’est ce qui explique
pourquoi des curés ne se gênaient pas pour refuser la sépulture à ceux qui
n’étaient pas du bon bord, hérétiques excomuniers et protestants. Il faudra attendre le 5 avril 1736 pour que
ces exclus puissent jouir d’une inhumation décente. La révolution française viendra confirmer ce
droit.
Le Cercueil
pour Tous
Il faut faire un grand saut dans le temps, soit au
XIXe siècle, pour voir se démocratiser le cercueil pour tous. À l’ère de la calêche, on transportait le cercueil
sur un char hippomobile que l’on appellera le corbillard. Et les entreprises qui offriront ce service
seront appelées pompes funèbres. Pompes
venant d’un mot grec pompe, ou du latin pompa qui veut dire procession publique
et par extension marche pompeuse suivie d’une escorte. Rares sont maintenant les occidentaux, même
les plus pauvres, qui ne disposent pas d’un cercueil comme dernier lit de Mort.
*À suivre*
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