PHILOSOPHIE - La Mort - 18ième partie


La mort avons-nous dit, c’est le grand désordre, le chaos, la destruction de notre individualité.  Pourtant, pour un juif pratiquant l’enjeu est de taille. Enterrer ses proches en Israël, c’est leur permettre d’accéder plus rapidement au monde à venir, expression par laquelle on désigne dans la tradition juive l’au-delà, concept commun à toutes les religions.  Ainsi, lorsque le Messie viendra et que s’accomplira la prophétie de la résurrection des morts, à laquelle souscrit tout juif orthodoxe, le défunt est, si l’on peut dire, placé en lieu sûr.

Lorsque l’heure de cet extraordinaire événement viendra, dit la religion juive, toutes les âmes exilées (entendre enterrées en diaspora) rouleront jusqu’en Terre sainte pour y rejoindre le Messie et le peuple juif sera enfin réuni.  L’avènement messianique promet à la fois la résurrection des morts et la fin de l’Exil deux fois millénaire du peuple juif.

On comprend mieux, dès lors, comme il est profitable pour le mort de jouir d’une position si “stratégique”.  Voilà pourquoi nombre de dépouilles de confession juive prennent l’avion chaque année, à Dorval, à destination de Tel-Aviv.

Être enterré dans son pays d’origine

Les juifs ne sont pas les seuls à faire voyager leurs morts.  Beaucoup de gens issus des communautés ethniques désirent être enterrés dans leur pays d’origine avec le reste de leur famille.  En tout, quelques centaines de morts quittent le Québec chaque année, d’après les statistiques que tient le Bureau du coroner du Québec.

Chez Magnus Poirier, le rapatriement des corps est une spécialité de la maison.  Quelque 150 cas de rapatriements sont traités chaque année chez cet entrepreneur de pompes funèbres québécois. Chez cet entrepreneur, il est dit que très peu de ces voyages sont motivés par des raisons religieuses, expliquant que ce sont en général uniquement les juifs et les musulmans qui le font pour ensevelir les dépouilles dans une terre religieuse.  “Les juifs et les musulmans sont très attachés à la terre religieuse, les Italiens ou les Grecs, eux, sont très attachés à leur famille, à leur terre d’origine.”

À Montréal cohabitent huit groupes de juifs hassidim, ce qui veut dire en hébreu “très pieux”.  Ce sont eux d’abord qui ont recours à cette pratique. Cette clientèle constituée de juifs fort pratiquants fait appel en cas de décès à Sandor Grunwald, juif d’origine hongroise, qui se targue d’être le seul à Montréal à honorer les morts dans la plus stricte tradition talmudique.

Un important entrepreneur de pompes funèbres juives au Québec, affirmait que les juifs libéraux, eux, envoyaient en proportion beaucoup moindre leurs défunts en Terre sainte.

En tout, donc, on parle au plus d’une vingtaine de cas dans l’année, pour l’ensemble de la communauté juive de Montréal.  Et il y a en outre, en moyenne, trois ou quatre cas d’exhumation si la famille décide, après le décès, d’envoyer le mort à Jerusalem.

Car c’est bel et bien à Jerusalem que les juifs de la diaspora désirent être enterrés, au cimetière du mont des Oliviers puis à celui de Givhat Schaul, situé en plein coeur de la Ville Sainte.

C’est en 1999 que le Bureau du coroner a enregistré le plus grand nombre de départs vers Israël: 25 Montréalais décédés y sont partis cette année-là.  Par contre, on ne compte que deux cas depuis le début de l’année 2002.  Cette baisse, selon l’entrepreneur de pompes funèbres, n’a rien à voir avec les problèmes politiques en Israël même si le cimetière du mont des Oliviers se trouve à Jérusalem-Est.  Au Bureau du coroner, on mentionnait que ces chiffres pouvaient être inexacts puisqu’on ne notait pas systématiquement la destination des corps qui quittaient le pays.

Être prévoyant

Une place dans ces cimetières coûte aujourd’hui environ 10000$US.  La plupart des gens qui veulent en faire leur résidence posthume ont fait l’achat du terrain plusieurs années à l’avance.  Mais l’entrepreneur funéraire se charge aussi de négocier avec le consulat général d’Israël à Montréal, il faut cependant que le transfert du corps soit entériné à la fois par le consulat et le coroner général du Québec, il faut aussi garantir que le défunt dispose d’un lot à son nom.

Tout cela doit s’effectuer sans le moindre délai puisque les rites mortuaires obligent la famille à mettre le mort en terre le plus rapidement possible. 

En plus de ces démarches administratives, il incombe de préparer le corps pour son dernier voyage.  La première obligation consiste à procéder  au lavement rituel: un homme ou une femme, dont la piété est notoire, en a la charge, peu importe le sexe du défunt.  On immerge ce dernier dans un bassin de granit rempli d’eau de pluie, dont la fonction est de purifier le corps pour le rendre à sa dignité dernière.  On doit ensuite embaumer le corps.  La loi sur les transports aériens l’exige. Il est ensuite enveloppé dans un drap de lin et placé dans un cercueil spécialement conçu pour le voyage: une caisse métallique recouverte de bois sur lequel on a gravé une étoile de David, symbole entre tous du judaïsme.

De nombreuses formalités

Une fois les papiers signés et les préparatifs du corps terminés, la dépouille est prête à partir pour l’aéroport.  Elle devra y être trois ou quatre heures avant le départ pour Toronto d’où le cercueil s’envolera pour Tel-Aviv. Un avion de la compagnie israélienne, El Al, y décolle tous les soirs à minuit à destination d’Israël.  À Montréal, le cercueil est pesé.  La compagnie aérienne facture, 14,50$ du kilo et 100$ pour emballer le cercueil.  Ce dernier pèse généralement, avec son contenu, entre 150 et 250 kilos.  Envoyer un corps en Europe coûte moins cher, environ 10$ le kilo tandis qu’il en coûtera près de 25$ le kilo pour envoyer un mort en Afrique ou en Asie (chiffres passés).

Ramener un corps au Québec est aussi fort coûteux. L’on évoque le cas d’un voyageur québécois décédé au Brésil.  Coût du rapatriement: 12500$, en frais de transport seulement!  L’entrepreneur conseille donc aux voyageurs de bien s’assurer.  “Revenir de Cuba après sa mort peut coûter près de 9000$, c’est énorme pour les proches d’un défunt qui n’avait pas d’assurances (prix approximatifs).

Enterrer quelqu’un d’outre-mer nécessite que les entrepreneurs en pompes funèbres aient des correspondants à l’étranger qui prennent en charge le cercueil et ceux qui l’accompagnent. Car le mort, le plus souvent, ne voyage pas seul.  Ses proches l’accompagnent jusqu’à sa dernière demeure. Un billet aller-retour Montréal-Israël coûte environ 2000$.  Aussi, un corbillard et une limousine attendent-ils le cortège funèbre, qui a fait un long voyage, à l’aéroport. Le trajet de Toronto à Tel-Aviv dure 12 heures. À l’arrivée à Tel-Aviv, il est donc 18h. Le trajet jusqu’aux cimetières de Jérusalem, où l’on se rendra directement, prend une quarantaine de minutes.  On procédera le soir même à l’enterrement du défunt et ce n’est qu’une fois le mort sous terre que la famille commencera, officiellement, une période de deuil qui durera sept jours.

*À suivre*

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