PHILOSOPHIE - La Mort - 17ième partie
Réactions subjectives
du Mourant :
a) Il garde son
cercueil en dépôt chez lui :
b) insiste sur le
‘’bel’’ enterrement
c) adopte un enfant
s’il n’en a pas eu la chance d’en avoir afin de s’assurer les garanties
mortuaires rituelles.
Toutes ces conduites
trahissent une foi ; le vaudouiste a surmonté la désolation de mourir par
sa croyance en une vie inépuisable. En effet, il n’est pas récalcitrant devant
l’évènement mortel : il le prépare. Il ne meurt pas à la diable. Il a tout
prévu. Quand il est avancé en âge, ce n’est même pas un souci qui opère son
avenir. Pour lui par conséquent la mort n’est pas un évènement absolu. C’est
une nécessité pénible mais qui ne demeure pas incompensée, si bien qu’il n’est
pas tragique de mourir. La mort est un retournement, une émergence de la vie forte.
S’il adopte un enfant aux fins citées plus haut, c’est bien parce qu’il est
persuadé que, seul, l’individu, mort sans laisser de descendance, est vraiment
et définitivement mort.
Pour comprendre cette position,
il faut savoir que le paysan haïtien distingue plusieurs sortes de morts;
- Nous avons déjà considéré la mort symbolique qui advient par le Kanzo ou initiation. Par leur caractère semblable d’épreuve, de changement, de purification et de sublimation, mort et kanzo peuvent en effet être rapprochés à bon droit.
- Il y a aussi la mort réelle que nous sommes en train d’étudier. Elle peut être bonne ou mauvaise selon que par le lieu, le temps et la manière, elle s’accomplit ou non selon les normes traditionnelles. La bonne mort est naturelle et conduit à la sublimation. Elle implique :
- La mort physique qui amène la destruction du tout de l’homme, mais pas de tout de l’homme.
- La mort sociale qui comprend l’éloignement du défunt et l’isolement des deuilleurs pour un certain temps.
- Il existe aussi une mort eschatologique, dont nous n’avons aucune idée précise. C’est pour éviter cette issue malheureuse que le croyant vaudou s’inquiète de ce qui advient après sa mort.
« Cette mort
définitive ou eschatologique qui est à la fois sociale (altération de la
mémoire collective) et métaphysique (perte progressive de l’influx vital pour
les Mânes qui, oubliés des vivants, n’ont plus la force nécessaire d’entrer en
relation avec eux). Elle frappe, le plus souvent d’une manière progressive,
soit les individus quelconques, soit les couples stériles qui n’ont pas
d’enfants pour sacrifier. »
Le zèle des vrais
croyants pour garantir cette existence d’outre-tombe de leurs proches rencontre
d’ailleurs la revendication des moribonds puisqu’il y a dans la bonne situation
post-mortem bénéfices pour les deux parties, comme nous le verrons plus loin.
L’idée de surnaturel
dans le vaudou :
La piété nécrophile,
les réactions du vaudouiste en instance de mourir, convergent avec le grand
rituel officiel assuré par le « sacerdoce des morts » pour marquer
que la vie rebondie au-delà du dernier souffle et que la mort est une métamorphose.
Un point de doctrine,
en effet, autorise, avant tout examen des rites eux-mêmes, à affirmer que « les
morts » sont des êtres surnaturels. C’est que dans l’idéologie sociale
haïtienne qui est le reflet des données religieuses, les vieillards jouissent
d’une prééminence presque absolue et sont l’objet de respect.
Dans la liturgie aussi
les « Iwa » (esprits vaudouiques) qui passent pour les plus âgés ont
la préséance. Or cette faveur gérontocratique s’explique, selon les théologiens
vaudouistes, par la plus grande proximité qui existe entre les vieillards et « les
morts » dont ils partagent déjà peu ou prou la condition. Nous trouvons
une confirmation de cette idée en Afrique :
« C’est le chef de
famille (le patriarche) qui offre le sacrifice. Il est le prêtre désigné par
son seul caractère de plus ancien descendant de l’Ancêtre commun. Il est le
médiateur naturel entre les vivants et les morts. Plus près de ceux-ci, il vit
dans leur intimité. Sa chair est moins chair, son esprit plus délié, sa parole
plus puissamment persuasive, déjà il est participant à la nature des morts. »
Quelle est donc cette
nature des morts?
« Les morts sont
des puissances spirituelles qui peuvent agir efficacement sur leurs descendants
et dont la fonction est de consolider la force de la famille. Le vaudou
apprivoise la mort en inculquant aux fidèles le sentiment « qu’elle accroit pour le groupe le
nombre des protecteurs en augmentant l’effectif des « ancêtres ». »
De leur côté, les
vivants ont la possibilité de fortifier la puissance du défunt en lui procurant
une descendance nombreuse qui va intensifier la force des prières, des
sacrifices et des offrandes « les morts vivent » ils sont présents à
la communauté dont ils continuent de faire partie. Cette symbiose des vivants
et des morts au plan spirituel est visualisée par la présence du cimetière
familial au dos de la ferme indivise la terre de ce cimetière passe pour être
chargée de puissance numineuse.
Si nous avons tellement
insisté sur la thanatologie vaudou, c’est que notre conviction voit dans
l’attitude devant la mort le lieu où l’homme révèle le plus profondément l’idée
qu’il se fait lui-même et de la signification du monde.
*À suivre*
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