PHILOSOPHIE - La Mort - 16ième partie

La piété Nécrophile :

a)    Durant la toilette mortuaire, on traite le défunt comme un être conscient. On lui parle. On le charge de messages pour l’au-delà.

b)   Si l’importance du cercueil et du tombeau est parfois disproportionnée à la situation de fortune ou la position sociale de leur propriétaire, c’est que la demeure éternelle doit être confortable et se signaler par sa solidité (bois imputrescible) et son bien-être.

c)     Le dépôt d’objets dans le cercueil servira au défunt dans l’au-delà.

d)   Les libations sur le sol  « pour les morts » les offrandes alimentaires sur les tombes, les « manjé-lé-mo »  ultérieurs obéissent à l’intérêt qu’ont les vivants de laisser au disparu ce dont il a besoin. L’offrande de monnaie qui est signalée par Métaux exprime la même croyance en une vie parallèle outre-tombe. Parfois ces pièces de monnaie sont percées. Cette précaution trahit une signification pratique : il faut les rendre inutilisables pour parer au vol. En outre, comme pour les offrandes alimentaires aux « lwa » ou aux « morts » ce ne sont pas tant les objets eux-mêmes qui servent que leur double fantomal, leur subsistance.

e)    La toilette mortuaire réalisée dans un bain aromatique est peut-être le fossile de l’embaumement ancien par quoi on essayait d’enrayer la décomposition organique. Ne peut-on y voir une recherche de pérennité.

f)      La piété collective se traduit par la  « veillée » acte social chargé de signes. En effet, dès que le «  Rel »  ou cri, qui est tout ensemble annonce de l’évènement mortel et signe de chagrin, est poussé, tout le village se rassemble autour de la famille en deuil. On socialise ce qu’on n’arrive pas à considérer comme un malheur privé, car la mort est cette chose œcuménique à laquelle personne n’échappe et qui menace la société entière. On vient donc de l’exorciser ensemble. Il faut aussi « faire escorte au voyageur du dernier voyage », atténuer la douleur de la famille éprouvée. La mort est communautaire. Ainsi sans pour autant être banalisée, l’épreuve est repoussée pour être intégrée à la vie collective. En effet, toute veillée mortuaire est nécessairement accompagnée dans l’arrière-pays de la fête dont la fonction, on le devine, est de défier l’angoisse que le groupe éprouve devant la mort.  « La fête provoque la collectivité au dynamisme, à la vie, à la facilité des rapports humains. L’érotisme rituel des « dieux » de la mort » fait partie de toute veillée puisque « l’érotisme des vivants procure de nouvelles forces aux morts et fait partie du réseau d’échanges entre les uns et les autres. » La mort appelle la vie destinée à combler le vide laissé par le défunt. La réincarnation est vécue implicitement en fait. La mort est d’ailleurs associée avec les modalités germinatives.

g)    Un dernier fait ici est à relever : le souci parfois exagéré d’entretenir les tombes.

« C’est faire acte de piété envers les morts et s’attirer leur bienveillance que de blanchir leurs tombes lorsque les intempéries les ont délavées et d’arracher les mauvaises herbes qui les envahissent. Ce devoir incombe à toute la parenté, mais chaque branche de la famille s’occupe de ses morts. Les chefs de famille ont, en outre, l’obligation de veiller sur les tombes des ancêtres les plus lointains ».


Partant de cette constatation, d’aucuns ont voulu réduire le vaudou à n’être qu’un Mânisme. Mais une analyse plus serrée des conduites nécrologiques montre qu’en fait  « la dévotion dont sont l’objet les morts n’apparaît pas comme absolument religieuse au sens liturgique du terme. Pour s’assurer les bons offices des disparus, on a recours à des opérations propitiatoires. On voit par là une sorte de culte, mais ce mot doit être pris lato sensus, acceptation qu’on oublie trop souvent. Dans ces conditions, paraît injustifiée, certaine propagande religieuse qui voudrait repousser le culte des ancêtres au bénéfice du culte tout court. Elle confond les deux sens du mot, alors qu’ils peuvent parfaitement avoir une coexistence pacifique ».
Voilà donc quelque repère où peut se lire la conviction des vaudouistes que le temps humain est ouvert par un bout. Nous avons parlé d’autre part des réactions du sujet destiné à la mort. Quelle en est la signification?

*À suivre*

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