PHILOSOPHIE - La Mort - 11ième partie

La mort chez les Antillais 
Il est indéniable que la mort est un phénomène de groupe. Spontanément à l’annonce d’un décès, un certain nombre d’individus se rassemble pour vivre ensemble un moment intense chargé d’émotion, de solidarité, de partage…
C’est aussi la réaction d’un ensemble de personnes face à un phénomène inexpliqué, irrationnel. Si les gens s’organisent pour réagir face à un évènement, cela implique un certain dynamisme. On peut donc dire que le groupe est un corps qui vit, qui subit des tensions, des agressions ; à l’intérieur duquel on peut repérer différents types de regroupements. On a pu constater que lors d’une veillée, il y a répartition spatiale des individus en trois sortes de regroupement.
-          Un, autour du mort.
-          Un autre, dans la maison mais éloigné du mort.
-          L’autre, à l’extérieur.

Autour du mort
On remarque une concentration de force qui par le biais de prières, de cantiques et de litanies sert à introduire le défunt dans la « vie surnaturelle ». Ces prières ne permettent-elles pas d’exorciser notre angoisse par rapport à la mort, ne nous renvoient-elles pas à notre propre mort ? Aider à délivrer l’âme du défunt n’est-ce pas contribuer à nous aider nous-mêmes ?

Espace intermédiaire
Dans l’espace éloigné du mort, des groupes se constituent pour parler de choses de la vie n’ayant pas forcément un rapport avec le disparu. Ces personnes ne sont-elles pas trop angoissées pour rester près du mort ? La prière ne jouant pas pour elles son rôle d’apaisement, mais elles ne sont peut-être pas assez libérées pour exprimer leurs émotions et en se joignant aux personnes extérieures.

Regroupement à l’extérieur
Par contre, les personnes qui se trouvent dehors sont en général moins concernées par la perte du défunt. Elles peuvent jouer, danser, chanter, etc. Cela ne signifie pas pour autant qu’elles soient insensibles de ce que renvoie la mort. Tous ces actes, auxquels elles s’adonnent sont des simulacres propres à susciter l’excitation et leur permettre d’exprimer aussi leur émotion.
La répartition spatiale des groupes autour de la veillée renvoie aux notions d’intérieur et d’extérieur, de dedans et de dehors. L’intérieur fait appel à l’introspection, et à la vie spirituelle, d’où l’utilisation des prières, des cantiques, des litanies, du chapelet.
 L’extérieur fait référence à l’extraversion et à la vie terrestre d’où les danses, les jeux.
Cette répartition spatiale fait aussi appel à la diversité des traditions culturelles.
Le regroupement à l’extérieur fait penser aux pratiques négro-africaines, celui à l’intérieur nous renvoie à la culture judéo-chrétienne.
La culture judéo-chrétienne apparaît à maintes reprises à travers les réponses. Ne dit-on pas quelque part dans la bible qu’il faut « rester éveillé pour que la mort ne vous surprenne », car celle-ci viendra comme un voleur! « Veiller et prier pour ne pas tomber en tentations ».
Nous nous sommes rendu compte qu’autour de la mort existent aussi des pratiques dites superstitieuses pour se débarrasser du disparu.
Exemples :
L’eau du bain jeté après le départ du corps, garder ses vêtements pendant 9 jours, ramener le mort chez lui après l’enterrement…
Ces pratiques dénotent une ambivalence dans nos rapports avec nos morts.
Tant que le corps est présent, il est honoré, soigneusement gardé et on aide l’âme à se libérer. Parallèlement, tout est fait pour s’assurer que le mort est bien mort (assiette sur le ventre, épingles attachant les chaussettes…) et tout est aussi fait pour l’expédier, le liquider, lui et toutes ses affaires.
En dernier ressort, on peut dire que la cérémonie mortuaire représente un ensemble de conduites socialisées, ritualisées qui servent à canaliser les angoisses de l’homme antillais. Une analyse plus profonde devrait être faite pour appréhender toute la symbolique de ces phénomènes.
Pour les évangélistes, que le mort est bien mort et que rien ne pourrait le sauver.
En général, on fait la prière autour du mort. On récite le chapelet, des litanies, on chante des cantiques, etc., il y a une meneuse de prières. Actuellement, les communautés paroissiales organisent des groupes de prières mortuaires. Un peu après la prière, dehors des groupes se constituent pour chanter, faire des blagues, des jeux de mots, dire des contes, raconter l’histoire de la vie du mort et de sa famille, faire des jeux de lutte.
Les veillées s’organisent différemment selon la classe sociale. Tout au long de la nuit sont distribués : café, boisson, alcool, repas (soupe à pied).
Veiller le mort est avant tout un rituel, un devoir, une coutume sociale.
C’est l’occasion pour les membres de la famille, les amis, les voisins, des personnes qu’on n’a pas vues depuis longtemps de se rencontrer.
C’est un dernier hommage rendu au mort. Par signe de respect, on asperge la dépouille d’eau bénite, placée au pied du mort. La famille embrasse le défunt en arrivant. Les parents sont très sensibles aux marques de sympathie qui leur sont adressées.
Aller à la veillée est une marque de solidarité, chacun participe selon ses possibilités, soit en apportant quelque chose (boissons, bougies, café…), soit en effectuant une tâche (vaisselle, rangement de la maison du mort…).

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