PHILOSOPHIE - La Mort - 8ième partie


Le discours sera donc pour lui un sermon qui aura pour idée centrale la mort envisagée du point de vue chrétien. « La mort est la mesure que Bossuet applique aux joies, aux maux, aux désirs et aux agitations de l’homme ». C’est aux lumières supérieures qu’elle jette sur la vie que Bossuet éclairera ces grandes destinées dont il doit retracer l’histoire. L’oraison funèbre sera un sermon appuyé sur un exemple. « Ainsi Bossuet sauva la dignité d’un genre menacé par l’esprit courtisan » (J. Clavet), et assura la continuité de son action apostolique.
Retracer une grande existence, faire une biographie qui soit en même temps un portrait était donc le premier de ses devoirs. Ici se rencontrait une difficulté : comment dire la vérité sur une tombe qui vient à peine de se refermer sur un mort illustre, en présence de sa famille, de ses amis, alors que cette vérité ne fut pas toujours glorieuse, qu’elle fut même parfois scandaleuse? L’éloge traditionnel était souvent menteur, mais Bossuet ne se prêtera pas à la flatterie : « Nous ne donnons point de fausses louanges devant les autels ». Ce serait offenser le Dieu de vérité. Il ne fait qu’un minimum de concessions aux convenances les plus élémentaires.


« Bossuet savait quelles paroles conventionnelles on attendait de lui pour être insérées dans le rite d’une cérémonie officielle, ces paroles il les a prononcées comme cela s’est fait et se fera toujours, mais il les a prononcées avec tact, avec adresse et avec dignité » (J. Clavet). « Quand nous l’entendrons indiquer en termes mesurés, avec une remarque légèreté de touche, les querelles domestiques de Charles Ier et de la reine Henriette, le triste ménage de Madame et les soupçons jaloux de Monsieur, les vivacités et l’inégalité du prince de Condé, toutes ces petites ombres si discrètement mises, nous apprendrons à estimer la franchise de l’orateur. Pour être respectueux il est resté libre, et les convenances ont réglé, non gêné l’expression de ses sentiments » (Lanson).

Bossuet, pour faire revivre ses personnages, se fera historien véridique, biographe bien informé, psychologue pénétrant. Son informateur est ample et solide. Ses héros ont presque tout tenu un premier rôle ou occupé un haut rang, ils appartiennent à l’histoire. Bossuet les replacera dans le cadre des événements généraux et de la société de leur temps. Pour Henriette de France, femme de Charles Ier, c’est un tableau magistral de la Révolution d’Angleterre. Pour peindre la femme, il demande à Mme de Motteville qui l’avait bien connue un mémoire sur la vie et le caractère de cette reine. Pour faire connaître la Princesse Palatine, il étudie les écrits, les lettres qu’elle a laissés, il cite en chaire les documents sur lesquels son éloge est fondé. De même, mieux on connaît le temps de la Fronde, plus on admire la vérité de l’oraison funèbre de Le Tellier. Pour Condé, qu’il connaissait bien personnellement, il s’est informé avec soin de l’histoire de ses campagnes en compulsant les archives du Prince et il reproduit les détails notés par ses officiers généraux, annotés par Condé lui-même. On sait aussi comment il a rappelé intrépidement sa défection et sa rébellion. « Il ne se sentit pas le droit de taire un épisode si principal de la vie du Prince, et, en en parlant, de l’excuser ou de ne la condamner qu’à demi… Il condamne le prince par la bouche même du prince : s’il compensa la grandeur par la profondeur du repentir, est-ce une flatterie ou une idée chrétienne? » (Lanson).

* à suivre *

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