PHILOSOPHIE - La Mort - 2ième partie
La mort, dans ce sens, est à la fois
anéantissement et transformation : elle tue l’univers égocentrique du sujet
vivant et en restitue les composants à l’univers physique, dont ils n’avaient
jamais cessé de faire partie, tout en ayant acquis double appartenance.
Physiquement, la mort est moins que
rien, puisque, avec la mort rien n’est perdu physiquement dans l’univers, même
pas un électron.
Biologiquement (du point de vue de
la biosphère ou d’un genos), il y a perte relative; une de perdu dix de
retrouvés. Existentiellement, du point de vue de l’individu-sujet, l’être et le
monde sombrent corps et biens dans le néant.
Son organisation, son être, son
univers s’effondrent avec sa mort. C’est dire que chaque être qui naît devient
un cosmos, assume en lui une tragédie cosmique qui est celle que vit au ralenti
notre cosmos : la mort de son univers. Et l’homme, à peine a-t-il compris,
appris ce qu’était la mort, sa mort, a aussitôt refusé de le croire, ses
mythologies ont donc donné l’amortalité à l’égo, puis ses religions de salut
mieux encore : l’immortalité.
Atlan reprenant Bichat, formule le
principe complémentaire et antagoniste du principe de Bichat : « la vie est
l’ensemble des fonctions capables d’utiliser la mort ».
Résumons ses idées (E.M.) la vie travaille
la mort qui la travaille; les menaces de mort nourrissent les ripostes à la
mort; les disséminations utilisent les dispersions physiques la réintégration
utilise la désintégration. Tous les grands développements de la vie se sont
effectués dans et par la récupération et, dans un sens, l’intégration de la
mort. Les organismes se sont développés en vivant de la mort des cellules qui
les constituent. Les espèces vivent de la mort des individus qui les
constituent. Ces morts rajeunissent et rénovent leurs vies – toutes les morts
végétales et animales nourrissent les cycles et boucles qui constituent
l’éco-organisation, et par là même nourrissent toutes vies. Tout ce qui meurt
fait vivre.
Et, dans l’intégration des cellules
dans les organismes des individus polycellulaires dans les sociétés, de tous
dans les éco-organisations, la mort est non seulement intégrée, mais
intériorisée, et c’est dans ce sens que je lis l’étonnante formule de simmel :
« la vie exige intérieurement la mort comme…l’autre dont l’adjonction lui
procure l’être.
Mais la mort intériorisée ne cesse
pas pour autant d’être le cancer qui ronge justement l’intérieur du vivre. La
mort intégrée ne cesse d’être désintégrante.
Tout instant de vie porte en lui
désorganisation/réorganisation et, dans ce sens, « le vivant vit à la limite de
lui-même, sur sa limite » (SIC) « la vie est toujours au bord du désastre »
(SIC). Toute vie est à l’articulation à l’article de la mort (SIC). »
Parce qu’elle meurt sans cesse, la
vie est renaissance permanente. Parce qu’elle renaît sans cesse, la vie est
nature, au sens littéral du terme : ce qui est toujours en train de naître.
Elle participe à la nature
régénératrice de la nature. Ainsi, chaque moment de vie est plus qu’un sursis.
Qui n’est pas en train de naître est en train de mourir. Inversement, qui n’est
pas en train de mourir est en train de renaître. De fait, nous sommes à la fois
en train de naître et de mourir.
Alors que la vie nous étonne si nous
nous mettons du point de vue de la physique, c’est la mort qui nous scandalise
si nous nous mettons du point de vue de l’être vivant, car la mort, quoique
naturelle, frappe d’absurdité l’existence égocentrique.
La mort à la fois simplifie tout et
complexifie tout. Elle simplifie en réduisant le complexe vivant en ses
éléments constitutifs, et par là le détruit, mais elle complexifie davantage la
vie qui n’a pu développer sa complexité qu’en intégrant et recyclant une mort
qui, pourtant, ne cesse de la désintégrer et décycler.
* à suivre *
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