Au Compte-goutte - Mieux Comprendre Les Politiques Sociales, D'Hier à Aujourd'hui, 42ème Partie


Nous avons aussi noté une certaine progression dans les trois idéologies que nous avons analysées plus spécifiquement. Avec l’idéologie du bien-être « social », nous avons une finalité humanitaire vigoureusement proclamée, mais nous ne sommes pas en présence d’un cadre conceptuel bien organisé; nous pouvons discerner une rationalité sous-jacente, mais en négatif en quelque sorte. Le hiatus entre les finalités proclamées et les contraintes de fait est forcément très grand, parce qu’on ne cherche pas à intégrer les contraintes de fait à l’horizon idéologique. Avec l’idéologie de la sécurité sociale, nous sommes déjà en présence d’un système rationnel très développé et très articulé. Cette approche théorique mieux articulée est évidemment susceptible de produire un système de sécurité sociale mieux articulé administrativement sans doute, mais aussi mieux ajusté aux besoins globaux de l’ordre social existant. Avec l’idéologie de la sécurité du revenu nous sommes en présence d’une rationalité économique clairement affirmée. C’est un peu comme si, au cours de cette évolution, l’idéologie dominante en matière sociale s’était progressivement libérée de sa gangue humanitaire ou plus généralement politique, pour affirmer de plus en plus clairement sa rationalité foncièrement économique. Celle-ci était déjà présente au départ, mais à titre de contrainte : au négatif donc. Au terme de l’évolution, elle s’affirme comme finalité première, presque sans ambages.

A cet égard, il est sans doute intéressant de souligner que chacun des développements idéologiques majeurs s’est produit dans un contexte de dépression économique plus ou moins prononcé.  Cela est tout particulièrement évident pour la sécurité sociale (crise des années 30) et pour la sécurité du revenu (crise plus ou moins larvée du capitalisme mondial à partir de la fin des années 60).

Parallèlement à cette clarification idéologique, on assiste à des redéfinitions successives des populations-cibles. L’idéologie du bien-être se situant en marge de l’économique, seuls les « inaptes au travail » pourraient vraiment éprouver des problèmes de bien-être. Certes, on sait fort bien que certaines personnes qui travaillent éprouvent de graves problèmes de bien-être… des commissions d’enquête se sont penchées longuement sur la question du travail des femmes et des enfants par exemple… mais le cadre idéologique de référence ne permet pas de tenir compte de ces travailleurs défavorisés, à moins qu’on ne puisse en venir à la conclusion qu’ils ne devraient pas travailler, que ce ne sont pas vraiment des travailleurs.

Commentaires

Messages les plus consultés de ce blogue

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 4e partie

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 18e partie

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 8e partie