Au Compte-goutte - Mieux Comprendre Les Politiques Sociales, D'Hier à Aujourd'hui, 38ème Partie


Les conséquences prévisibles du renversement idéologique

Nous constatons qu’il n’est pas facile de déceler les pétitions de principe qui se cachent dans ce type de présentation. Tout cela paraît plein de sens et pratiquement inattaquable.

Pourtant, il est un premier paradoxe qui enlève toute crédibilité à cette prétendue « guerre totale à la pauvreté ». En effet, on prétend remettre en disponibilité pour le travail des personnes dont le potentiel de production était jusqu’ici mal ou même tout à fait inutilisé, au moment précis où notre économie traverse une profonde dépression, c’est-à-dire à un moment où les travailleurs réguliers… qui ne sont donc pas pauvres… éprouvent eux-mêmes de graves difficultés à maintenir le niveau de leur revenu sinon à conserver leur emploi. De deux choses l’une : ou bien on réussit à ré-intégrer « les pauvres » sur le marché du travail, mais alors ils prennent la place d’un travailleur régulier qui est à son tour aux prises avec un problème de pauvreté; ou bien on n’y réussit pas, faute d’emplois disponibles, mais on n’en aura pas moins réussi    à faire accepter que la société soit moins libérale, moins généreuse, à l’égard de ceux qui sont pauvres.

 On constate donc que compte tenu des circonstances spécifiques dans lesquelles survient ce renversement idéologique, les conséquences prévisibles sont tout à fait à l’opposé de ce qui annoncé, à savoir l’élimination de la pauvreté. Au contraire, c’est la situation de l’ensemble des travailleurs, notamment celle des travailleurs actifs, qui risque de se détériorer encore plus, et ce évidemment au profit des capitalistes qui eux disposeront désormais d’une main-d’œuvre moins exigeante et par conséquent moins chère.205 En effet, la mise en disponibilité d’une main-d’œuvre par définition moins chère ne peut qu’exercer une pression sur les travailleurs réguliers; ceux-ci seront moins exigeants s’ils savent qu’ils peuvent être plus facilement remplacés. Et si les capitalistes réussissent à remplacer de fait certains de leurs travailleurs réguliers par des travailleurs irréguliers, eux aussi moins coûteux, ce sera évidemment autant de gagné du point de vue des capitalistes. 206

D’autres conséquences non moins importantes de ce renversement idéologique résultent de l’annexion pure et simple du domaine de la politique sociale par le domaine économique et plus spécifiquement, par le domaine politique de main-d’œuvre. Nous avions déjà signalé le chevauchement qui existait entre la politique de sécurité sociale et la politique économique, notamment la politique de gestion de la main-d’œuvre. Nous avions même constaté que la politique de sécurité sociale est subordonnée aux impératifs économiques. Or désormais, la politique sociale sera franchement et ouvertement principalement une stratégie d’emploi.

Nous ne pouvons encore prévoir toutes les répercussions de cette mutation. D’un côté, nous pouvons noter une certaine tendance à distinguer les « services sociaux » des mécanismes de « sécurité du revenu ». 207 Les services sociaux étant associés avec la dimension humanitaire, on a tendance à les reléguer au second plan, puisque désormais on privilégie presque exclusivement la dimension production. Mais simultanément, on aura tendance à décloisonner les programmes dits de sécurité du revenu et les programmes de main-d’œuvre proprement dits.

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