Au Compte-goutte - Mieux Comprendre Les Politiques Sociales, D'Hier à Aujourd'hui, 34ème Partie


Une idéologie d’inspiration strictement économique

Il n’est pas indifférent de savoir qu’au Canada tout au moins, c’est le conseil économique du Canada, à savoir un organisme à vocation économique et non sociale, qui donna le coup d’envoi de l’ensemble des initiatives qui devaient conduire à l’avènement de l’idéologie de la sécurité du revenu. Comment nous étonner dans ces conditions que la rationalité économique y soit si omniprésente?193

Mais en fait, ce sont aussi des économistes Lord Keynes et Lord Beveridge notamment qui furent à l’origine de l’idéologie de la sécurité sociale. Là aussi, avons-nous constaté, la dimension proprement économique occupait une place importante. Pour un coup d’essai, ce fut tout de même un coup de maître. Mais la dimension économique demeurait malgré tout empêtrée quelque peu dans les considérations humanitaires. La rationalité économique, même si elle était dominante, ne pouvait s’y appliquer sur toute la ligne, sans entraves. Et ceci était dû en bonne part au fait qu’au plan idéologique, la sécurité sociale continuait de se situer sur le plan de l’humanitarisme.

Pour leur deuxième essai, nous pouvons prévoir que les économistes chercheront à faire en sorte que la rationalité qui leur est propre occupe cette fois toute la place. Et de fait, simplement en abandonnant le qualificatif social dans la désignation de la nouvelle idéologie pour ne se référer qu’au seul revenu une bonne partie du chemin avait déjà été parcourue. En parlant de sécurité du revenu plutôt que de sécurité sociale, on se situe en effet de plain pied sur le terrain économique puisque, comme nous l’avons simplement démontré, le concept de revenu est spontanément associé aux mécanismes de la rémunération du travail, ainsi qu’à l’idée d’une plus ou moins grande productivité des travailleurs.


Or, la rationalité propre des économistes, quelle est-elle? Essentiellement, nous pourrions dire que le souci premier et fondamental de tout économiste est précisément d’économiser. Il sera soucieux d’éliminer toutes les dépenses inutiles, ce qui est une première façon d’économiser, et de s’assurer que les dépenses inévitables seront les plus efficaces possibles les plus rentables ou productives, ce qui est une autre façon d’économiser.

Or cela seulement suffit à éveiller notre méfiance à l’égard de la nouvelle stratégie dite de sécurité du revenu. En effet, à prime abord comme nous l’avons dit, cette stratégie nous apparaît comme extrêmement généreuse. Enfin, nous disions-nous, le problème de la pauvreté sera définitivement éliminé. 194 Ne nous promet-on pas en effet de mener une guerre totale à la pauvreté, l’objet de cette guerre devant être, non pas d’atténuer la pauvreté, mais de l’éliminer tout-à- fait. 195 Mais n’avons-nous pas raison de craindre que le souci d’économiser au maximum qui est propre aux économistes, n’aille à l’encontre de cet objectif? Se pourrait-il qu’au terme de la réforme, nous découvrions que notre société consacre une part moins grande de la richesse collective pour la garantie du bien-être minimal, qu’elle ne pouvait le faire sous l’égide de l’ancien régime, celui de la sécurité sociale? Ne pouvons-nous pas craindre qu’avec ce souci de rentabiliser au maximum les dépenses, notre société en vienne à se montrer beaucoup moins libérale à l’égard des plus défavorisés de nos concitoyens alors même qu’elle prétend régler une fois pour toutes leur problème de pauvreté?     

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