Au Compte-goutte - Mieux Comprendre Les Politiques Sociales, D'Hier à Aujourd'hui, 31ème Partie


De fait, il est facile de se rendre compte que la solution keynésienne, de même que celle de la sécurité sociale qui n’en est qu’une application particulière, repose sur une astuce monétaire. Keynes savait en effet que l’État peut créer artificiellement un pouvoir d’achat additionnel… ce qui équivaut à créer de la monnaie … simplement en «empruntant » des contribuables « le surplus » de pouvoir d’achat dont ils disposent, ou même en forçant au besoin les contribuables à lui prêter une partie de leur pouvoir d’achat … c’est ce que Keynes appelait la technique de « l’épargne forcée » … et en remettant immédiatement en circulation ce pouvoir d’achat emprunté, soit en le redistribuant sous forme de paiement de transfert, soit en le versant sous forme de subsides aux entreprises, soit en le consommant lui-même sous une forme quelconque achat de biens et services, financement de travaux publics etc. Il y a création d’un pouvoir d’achat additionnel dans ce processus non seulement parce que l’État transfère un certain pouvoir d’achat des mains de personnes qui ne l’utilisent pas intégralement dans l’immédiat, à des personnes qui ne disposent pas d’un pouvoir d’achat suffisant pour satisfaire leurs besoins immédiats et qui donc ne laisseront pas longtemps inutilisé ce pouvoir d’achat que l’État met ainsi à leur disposition, mais surtout parce que l’État émet une quelconque reconnaissance de dette… sous forme d’obligation d’épargne, ou encore sous d’un quelconque régime d’assurance sociale, l’État s’engageant en effet à payer un certain bénéfice social en échange des « cotisations » au régime, etc. en contre partie de l’emprunt qu’il a contracté. Or l’état aura un jour ou l’autre à rembourser cet emprunt à ses créanciers. Puisqu’il a déjà utilisé ce pouvoir d’achat, il est clair que l’État ne disposera pas de ce qu’il faut pour rembourser. Il sera donc obligé d’aller chercher les moyens du remboursement dans la poche des contribuables, soit sous forme de taxe, soit sous la forme d’un nouvel emprunt.   

On voit mieux en quoi consiste l’astuce. Ce sont les contribuables qui prêtent à l’État, lui permettant ainsi de consommer ce pouvoir d’achat dont ils se sont départis selon les exigences de sa politique économique, ou de sa politique sociale… Et ce sont encore les contribuables qui devront fournir à l’État les moyens requis par celui-ci pour leur rembourser la dette qu’il aura ainsi contractée à leur égard. En pratique, ceux qui seront créanciers de l’État ne seront pas exactement les mêmes personnes qui auront à se cotiser pour que l’État puisse rembourser ses dettes. Grâce aux mécanismes d’assurance sociale notamment, l’État aura le moyen de reporter en bonne partie d’une génération de contribuables à l’autre la dette qu’il est ainsi amené à contracter. Mais il n’en demeure pas moins que grâce à ce processus, l’État a multiplié par deux la somme qu’il a emprunté : celle-ci demeure due, et elle aura un jour à être remboursée; et tout en continuant d’exister sous forme de dette, elle n’en a pas moins été utilisée, consommée, remise en circulation dans l’immédiat… 

Évidemment, il y a loin entre cette technique monétaire extrêmement astucieuse, et la proposition naïve des créditistes d’un dividende national. Mais la différence entre les deux ne réside pas dans la substance même de la technique. Ce que proposent de réaliser les créditistes à l’aide du dividende national, c’est ce que réalise de fait l’État grâce à la technique de l’emprunt et de la redistribution immédiate des sommes empruntées. Mais alors que dans la proposition créditiste la supercherie est facile à percevoir, tel n’est plus le cas dans le cadre de la solution keynésienne et, plus particulièrement, dans le cadre de la solution de la sécurité sociale. La différence entre les solutions créditiste et keynésienne n’est donc pas uniquement technique.    Elle résulte aussi pour une bonne part du potentiel idéologique incomparable de l’une et l’autre « solution ».189

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