Au Compte-goutte - Mieux Comprendre Les Politiques Sociales, D'Hier à Aujourd'hui, 23ème Partie
Par
ailleurs, comme il existe inévitablement des fluctuations au niveau des besoins
en main-d’œuvre, comme il est nécessaire de dispenser certaines personnes de
travailler, notamment les femmes si on veut assurer la reproduction de la
nation (de la main-d’œuvre), la sécurité sociale devra prévoir un substitut au
salaire pour ceux qui seront victimes de ces risques professionnels
ainsi qu’on les appelle parfois.
Finalement,
au moment d’établir l’extension de la couverture de tous ces risques sociaux,
la société tiendra compte d’abord de ses besoins. Ce qui importe,
socialement, c’est par exemple qu’il y ait suffisamment d’enfants pour prendre
la relève, que ces enfants soient en bonne santé, etc. S’il y a pénurie
d’enfants, les bénéfices de sécurité sociale pourront être augmentés de façon à
stimuler la natalité. Mais inversement, s’il y a trop de naissances, on
n’assurera pas la sécurité sociale de tous les enfants qui pourraient naitre :
on pourra par exemple limiter la couverture aux trois premiers enfants d’un
couple seulement, les couples dépassant cette norme étant donc pénalisés par le
fait même, et pouvant même se retrouver dans une situation de pauvreté. On
voit donc que la logique de la sécurité sociale est étrangère à la logique
authentiquement humanitaire. La sécurité sociale, par définition, opère un transfert
des revenus de l’ensemble des citoyens vers ceux qui remplissent une fonction
jugée socialement utile. Ce transfert aura inévitablement des effets au niveau
du bien-être des individus, mais sa finalité première n’est pas d’éliminer
la pauvreté. On ne se surprendra donc plus de ce que des
sommes énormes sont dépensées pour la sécurité sociale, des sommes
considérablement plus élevées que ce qu’il faudrait pour éliminer la pauvreté,
sans que celle-ci ne soit jamais éliminée.
La
couverture contre les risques sociaux fournis par la société à ses membres sera
donc établie en fonction des besoins de la société, de ses besoins de reproduction
simple, et de production élargie. Mais avant de penser à la reproduction
élargie, la société pensera d’abord à sa reproduction simple. En d’autres
termes, la société verra à assurer le minimum indispensable. Si
elle a les moyens de faire plus, elle pourra se montrer plus libérale. Si au
contraire la société a tout juste ce qu’il faut, sa sécurité sociale pourra
être extrêmement contraignante. 173
Autant
que possible aussi, la sécurité sociale se définira comme une sécurité
minimale, de façon à ne pas décourager les citoyens de chercher à faire plus
pour améliorer leur bien-être individuel immédiat… travailler plus fort… ou
futur… épargner en vue de vieux jours, c’est-à-dire prendre des assurances pour
l’avenir. En d’autres termes, la société, encouragera les citoyens à souscrire
à des régimes privés de sécurité; elle accordera par exemple des déductions
d’impôt sur les sommes versées à titre de cotisation à un régime privé
d’assurance-retraite, ou encore elle ne prélèvera pas d’impôt sur les intérêts
provenant des épargnes. C’est donc dire que le système effectif de sécurité
sociale ne se limite pas aux seuls régimes publics étatiques, mais que
tous les régimes apparemment privés et autonomes en font partie intégrante. De
fait, nous pourrons constater que cette intégration se manifeste non pas
seulement indirectement, par les déductions d’impôt, mais que l’État contrôle
directement certains au moins de ces régimes. 174
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