La Violence Conjugale Chez Les Couples D'Hommes Gais - 10e partie

Les demandes d’aide

Le processus de demande d’aide des hommes victimes de violence est, d’après les recherches disponibles (Merrill ; Lettelier), comparable à celui des femmes hétérosexuelles. Cette trajectoire débute dans les deux cas par le dévoilement de la violence auprès de membres de la famille ou d’amis (Cantin, Rinfret-Raynor et Fortin). Les données recueillies concernant les demandes d’aide des hommes interrogés démontrent que la majorité des répondants a effectivement cherché du soutien auprès des membres de leur famille ou d’amis.

Par contre, l’évaluation positive que font les répondants de l’aide obtenue ne correspond pas aux conclusions des autres chercheurs. En effet, certains auteurs avancent que l’utilisation du réseau naturel ne répond pas toujours aux besoins spécifiques des victimes homosexuelles. D’après une des études de Renzetti conduite auprès de femmes lesbiennes victimes d’agression de la part de leur conjointe, plusieurs précisent en entrevue que le fait que leur famille et leurs amis désapprouvent leur homosexualité ou n’acceptent pas leur partenaire, les amène à persister dans leur relation malgré la sévérité des agressions. On peut alors penser que le fait que les répondants de la présente étude mentionnent avoir une relation positive avec leur famille d’origine influence la qualité du soutien obtenu.

D’autre part, ces mêmes études soutiennent que les amis qui font généralement partie de l’entourage des victimes gaies sont souvent sceptiques et font face à un conflit de loyauté puisqu’ils considèrent aussi le conjoint violent comme un ami intime. Encore une fois, les données recueillies auprès des hommes rencontrés ne soutiennent pas cette hypothèse. Les amis sont la ressource d’aide la plus utilisée par les victimes et l’évaluation du soutien reçu est très positive.

Les demandes d’aide des hommes rencontrés ne sont pas limités aux ressources informelles. Les articles consultés avancent que, comme pour les femmes hétérosexuelles, les hommes gais qui vivent la violence se tournent vers des ressources plus formelles, telles les médecins, les groupes d’entraide communautaires ou toute autre source d’aide extérieure (Island et Letellier ; Letellier). Quoique la moitié des répondants aient cherché de l’aide auprès de ressources formelles de type communautaire, il est impossible d’affirmer que ces démarches ont été entreprises à la suite des demandes de soutien auprès de la famille et des amis. Il est important de noter que l’évaluation par les répondants de ces services est positive.

Peu de répondants ont fait appel aux ressources formelles du réseau de la santé et des services sociaux tels les services médicaux d’urgence ou les ressources psychosociales. Ces démarches se sont avérées difficiles sinon décevantes. Le fait qu’on ait conseillé à un des répondants de suivre une thérapie de couple avec son conjoint violent peut surprendre puisque la plupart des intervenants sensibles à la réalité des victimes de violence conjugale hétérosexuelle connaissent les risques que comporte une telle démarche. Cette information peut nous laisser croire que les professionnels de la santé et des services sociaux pourraient bien être limités dans leur connaissance de la violence conjugale et de ses manifestations dans les couples gais.

La même observation peut se faire en ce qui concerne l’évaluation de l’aide reçue par un autre répondant qui a multiplié les demandes d’aide auprès des ressources formelles de santé et des services sociaux. Malgré le fait qu’il dit clairement avoir été victime de violence physique de la part de son conjoint, aucune aide ne lui est offerte en dehors du traitement de la blessure.

Cet épisode rejoint les propos de certains chercheurs qui soutiennent que le dépistage de la violence conjugale ne se fait que très rarement auprès d’hommes gais, les professionnels en place dans la plupart des services n’étant pas formés ou sensibilisés à cette réalité (Island et Letellier). Ils considèrent que les médecins et les intervenants sociaux sont peu formés et ignorent souvent la possibilité que les demandes d’aide puissent être liées de façon directe ou indirecte à des situations de violence.

La recherche d’aide des hommes homosexuels victimes de violence dans leur relation amoureuse est donc comparable à celle des femmes hétérosexuelles. Par contre, comme le spécifie Lettelier, les hommes gais victimes de violence qui cherchent de l’aide sont confrontés à un problème majeur : l’absence de ressources d’aide adaptées. Cette constatation est d’ailleurs soulignée par les répondants de notre étude. Certains d’entre eux ont fait appel aux ressources qui s’adressent spécifiquement aux hommes homosexuels, groupes d’entraide ou de soutien. Par contre, ils ont constaté que ceux-ci ont des mandats qui se résument à offrir du soutien pour un problème spécifique et étroitement défini. Très peu sont à l’aise avec l’idée de l’existence de la violence dans les relations amoureuses homosexuelles et ont des connaissances restreintes de sa dynamique particulière. Donc, si les femmes hétérosexuelles victimes de violence conjugale trouvent refuge auprès d’organismes spécialisés, particulièrement les maisons d’hébergement, les hommes gais, pour leur part, n’ont que très peu d’alternatives.


* à suivre *

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