Entrevue sur l’Homosexualité

Robert Karmel :
- Lors de votre passage en France et de nos colloques en France sur la violence et de l’homosexualité, vous parliez du groupe ISMDS et ses analyses. Quel est l’objet de celle-ci ?
Pierre Eddy C. :
- On ne fait pas seulement des analyses. Nous, ISMDS, sommes une organisation qui regroupe les professionnels de toute discipline d’ici et d’ailleurs, qui se sentent en communion avec l’esprit de ISMDS. Nous organisons des conférences, des ateliers sur des sujets d’actualités. Nous produisons des CD sur nos conférences, rencontres thérapeutiques.
Robert Karmel :
- Quelle est l’action de ISMDS ?
Pierre Eddy C. :
- Nous organisons des ateliers, nous venons d’organiser un colloque sur les relations Homme/Femme, sur l’homosexualité, « sur la violence, thème qui est pour nous le plus important ». Cela fait dix ans que nous existons et je me rends compte de l’évolution sur cette période ; les jeunes que je recevais il y a dix ans… qui étaient étudiants, ouvriers, chômeurs, etc étaient extrêmement malheureux, très complexés. Ils ne connaissaient personne, même dans une ville comme Québec. Tandis que maintenant, il s’agit de personnes qui ont pris conscience de leur changement. Ils ont beaucoup de livres, ils ont pu voir des films, lire des articles, écouter des émissions. Ils ne se considèrent plus comme ceux d’autrefois et ne se demandent plus s’ils sont uniques, malades ou violents. Notre originalité est d’aider les gens à être acteur et sujet de leur vie.
Robert Karmel :
- Recevez-vous des homosexuels ou leur offrez-vous une aide thérapeutique et quel est le bilan de vos actions ?
Pierre Eddy C. :
- Je fais tout d’abord le portrait de l’homosexuel : qui est un homme semblable à tous les autres, sauf sur le point précis de son penchant sexuel et affectif. C’est dire qu’il existe des homosexuels, de tout acabit, grands et petits, gros et maigres, intelligents et stupides, intellectuels et incultes, bourgeois et pauvres, croyants et non croyants.
Vous avez plusieurs sortes d’homosexuels, vous avez l’homosexuel heureux, épanoui, qui s’accepte très bien en tant que tel. Vous avez l’homosexuel qui souffre du manque de relations, même sur le plan sexuel, et donc, par ricochet, sur le plan sentimental. Il ne peut pas jeter le masque de dire « je suis homosexuel » !
Les activités de ISMDS lui ouvrent tout un horizon de relations et de rencontres. Vous avez deux autres catégories : ceux qui sont des malades, des traumatisés et qui ont besoin d’un traitement et un nombre considérable de garçons qui sont tourmentés par le problème de la foi religieuse, par le problème de Dieu et de leur accord avec l’Église.
Donc, lorsqu’il s’agit d’un problème psychique, nous avons à ISMDS des professionnels et qui accueillent nos homosexuels malades.
Robert Karmel :
- Mais qu’entendez-vous par « homosexuels malades » ?
Pierre Eddy C. :
- Il est très évident pour nous, l’homosexualité n’est pas une maladie, ne l’a jamais été et ne le sera jamais, quelles que soient les conditions dans lesquelles on les oblige à vivre. Quand je parle de « maladie », il s’agit du garçon ou de la fille qui ne s’accepte pas, qui se croit persécuté(e), unique, ce qui, par conséquent, a des complexes dans la vie sociale ou familiale. Ils ne sont pas des malades. Ce qu’il faut surtout, c’est permettre à l’homophile de vivre sans masque ! Le fait de passer sa vie à cacher ce qu’il est réellement provoque, à la longue des dépressions qui sont surtout l’expression de l’hostilité de la société. C’est là bien la société qui crée la plus grande difficulté.
Robert Karmel :
- Pensez-vous que ce soit la société qui a crée la « nature » de l’homosexuel ?
Pierre Eddy C. :
- Nous ne pensons pas dans la majorité des cas, que l’homosexualité soit quelque chose qui « s’attrape », on ne continue pas à pratiquer l’homosexualité si l’on n’est pas homosexuel, ou alors on pratique la bisexualité. Mais avec cette différence énorme, c’est que dans la bisexualité, le plus souvent, il y a une relation charnelle parce qu’on a besoin de faire certains actes pour être assouvi, mais il n’y a pas ce qui existe réellement chez l’homosexuel : l’amour, la tendresse qui se manifeste chez un garçon pour un autre garçon ou chez une femme pour une autre femme.
Le bisexuel pratiquera l’homosexualité comme une rencontre charnelle, tandis que l’homosexuel, dans une rencontre avec un autre homosexuel, mettra toute son âme, tout son cœur, toute sa vie, toutes ses espérances, au point même qu’il voudra voir un ami à lui, un peu copié sur le modèle du monde hétérosexuel. Il voudra vivre avec son ami, acheter un appartement. Chez le bisexuel, le comportement n’ira pas jusque là.
Robert Karmel :
Ok, vous qui avez voyagé et qui avez étudié en Europe, parlez-nous un peu plus de l’homosexualité et de son histoire.
Pierre Eddy C.:
Au Moyen Âge, l’homosexuel était conduit au bûcher sous les vivats d’une foule déchaînée, heureuse d’exorciser ainsi ces nouvelles « sorcières ». Aujourd’hui, si nos sociétés ne brûlent plus les homosexuels, elles n’en continuent pas moins, en général, d’ignorer l’existence, en leur sein, de cette minorité d’individus aux relations « particulières ».
Pourtant, les sexologues affirment que près de 10% de l’humanité est homosexuelle, de façon latente ou révélée. Cependant, les préjugés sont tenaces.
Actuellement, beaucoup de clichés prétendus scientifiques s’effondrent et on commence, timidement, à parler d’une « réalité différente » à propos de l’homosexualité. Le sujet est devenu un grand thème de recherches : ces dernières années ont vu apparaître un flot considérable de thèses, d’articles, de livres et de revues spécialisées, expliquant et analysant les « origines » de l’homosexualité ou « homophilie ». Le cinéma, de son côté, a exploité le thème dans une profusion de films de valeur inégale. (J'y reviendrai sur la question).
Robert Karmel:
Quelle théorie explique vraiment l'homosexualité?
Pierre Eddy C.:
Mais qu’est-ce que l’homosexualité? Une différence génétique résultant d’un chromosome incontrôlé? Un dérèglement glandulaire? Une fixation psychique à une mère dominatrice? Le prolongement d’un « accident » sexuel pendant l’adolescence? La manifestation de la bisexualité de tout individu? Actuellement, on peut dire qu’aucune théorie n’englobe totalement, n’explique entièrement le phénomène homosexuel. Encore une fois, on se trouve devant une réalité complexe que telle ou telle discipline a voulu morceler selon sa grille particulière. La clé est peut-être dans un amalgame et une composition de plusieurs explications. C’est ce que nous allons tenter de voir.
L’hétérosexualité a toujours été considérée comme une normalité naturelle, comme un fait établi, puisqu’elle est le fondement, par le mariage, des sociétés occidentales. Ainsi, l’origine de l’hétérosexualité n’a jamais donné lieu à discussion. En revanche, l’homosexualité a rapidement figuré dans la catégorie des « perversions sexuelles ». Pour Krafft-Ebing, par exemple, elle est un « vécu sexuel contraire », dont l’origine doit être recherchée au niveau du système nerveux central, car il s’agit d’un facteur héréditaire, expression d’une dégénérescence certaine; l’homosexuel est donc un malheureux touché par une fatalité dont il n’est pas responsable. L’idée de « taré », depuis cette époque, a fait son chemin. Les critères retenus par Krafft-Ebing (du style : « prédilection pour les arts », « arriération » ou « manque de moralité ») étaient plus entachés de préjugés que d’observations scientifiques concrètes. Après l’éclosion de théories tenant plus du folklore que de la recherche sérieuse, il faut attendre Freud pour obtenir une conception plus solide du problème de l’homosexualité.
Robert Karmel:
Que dit Freud, vous qui connaissez la pensée de Freud.
Pierre Eddy C.:
Pour le psychanalyste de Vienne, deux éléments dominent. D’une part, il n’existe pas d’instinct homosexuel, la particularité de l’homosexualité résidant essentiellement dans le choix de « l’objet sexuel » (un homme au lieu d’une femme comme objet du désir); d’autre part, l’homosexualité n’est pas une maladie.
En 1922, Freud résume le « scénario » de l’homosexualité : « Quelques années après la fin de la puberté, le garçon qui, jusqu’à présent, était intensivement fixé à sa mère, change d’attitude; il s’identifie à sa mère et recherche des objets d’amour où il peut se découvrir lui-même et qu’il peut aimer comme sa mère l’aime, lui. La caractéristique de ce processus fait que pendant quelques années, les objets d’amour mâles auront nécessairement le même âge qu’il avait au moment où la transformation s’est produite ».
La fixation sur la mère entrave la fixation sur une autre femme. L’origine du développement de l’homosexualité est à rechercher dans le schéma oedipien. L’homosexualité est envisagée alors comme un déterminisme possible et non plus comme une perversion d’origine sexuelle.
En 1935, Freud exposait, dans « Lettre à une mère américaine », une position nuancée n’apportant, par là même, aucune réponse nette au problème de l’homosexualité : « L’homosexualité ne constitue ni un vice ni une forme de dégénérescence et ne peut, non plus, être considérée comme une maladie. Nous, la considérons comme une variante de la fonction sexuelle due à un certain arrêt du développement génital ».
Freud tient compte de l’importance du milieu dans le développement des conflits névrotiques de l’homosexuel. Le rejet de la société est une cause déterminante de l’éclosion de perturbations graves chez l’individu ainsi écarté du groupe. Pour lui, la thérapeutique analytique peut seulement intervenir à ce niveau en permettant à l’homosexuel de s’accepter comme tel, malgré l’hostilité permanente du milieu. Guérir l’homosexuel en lui faisant « retrouver » sa place dans le monde hétérosexuel procède d’une véritable mystification : « En général, l’entreprise de convertir un homosexuel n’offre pas plus de perspective de succès que l’inverse, à part le fait que, pour des raisons bien pratiques, la dernière tentative n’a jamais été essayée ».
La théorie biologique perd du terrain au fur et à mesure des expériences
Et Freud conclut : « Ce n’est pas à la psychanalytique que revient la tâche de résoudre le problème de l’homosexualité. La psychanalyse doit se contenter d’avoir découvert le mécanisme psychologique qui aboutit au choix de l’objet et d’avoir ainsi aplani le chemin qui conduit au fondement instinctif de l’accord. Ici s’arrête sa tâche, elle abandonne le reste à la recherche biologique ».
La recherche biologique a étonnamment progressé et tend, de plus en plus, à infirmer les théories qui font de l’homosexuel un spécimen exceptionnel ayant subi un dérèglement glandulaire dû à un facteur héréditaire.
Cependant, les partisans de la théorie du dérèglement glandulaire sont encore nombreux. L’un des plus grands défenseurs en est le professeur Fritz-Douglas Roeder qui pratique, à Francfort, une intervention chirurgicale considérée par beaucoup de spécialistes comme une abomination. Partant de la nature bisexuelle de tout individu, il trouve l’origine de l’homosexualité dans la rupture (consécutive à un traumatisme) de l’équilibre sexuel entre les hormones mâles et les hormones femelles, le traumatisme ayant provoqué une raréfaction des premières au profit des secondes; les hormones femelles prédominent alors et vont régler la nouvelle vie sexuelle de l’individu. Être homosexuel, c’est d’être victime d’un dérèglement glandulaire.
À propos de toute guérison, il faut bien déterminer s’il ne s’agit pas d’un « effet placebo », c’est-à-dire d’une véritable suggestion agissant sur un individu désirant fortement un changement de son état : ce n’est pas la destruction partielle de l’hypothalamus qui guérirait alors l’homosexuel, mais l’homosexuel qui se guérirait lui-même. Dans ce cas, la rechute, même lointaine, est probable. Actuellement, on admet de plus en plus que le dérèglement glandulaire est une conséquence de l’homosexualité et non la cause déterminante.
Robert Karmel:Qu'est-ce qui distingue un homosexuel d'un hétéro?
Pierre Eddy C.:
Des recherches plus sérieuses sont heureusement menées pas des spécialistes. Pour le professeur Henri-Pierre Klotz, un premier fait : l’individu conserve un certain souvenir de sa « bipotentialité » originelle. « Si le testicule fabrique surtout de l’hormone mâle (la testostérone), il fabrique aussi un peu d’hormone femelle (la folliculine) et il en est de même, en proportion inversée, pour l’ovaire. Il faut dire que chez le grand enfant et l’adolescent, les pulsions sexuelles homophiles existent habituellement, avec des pratiques soit seulement ébauchées, soit réelles, soit fantasmatiques. C’est, au moment de la poussée pubertaire, l’imprégnation massive de l’organisme par les hormones sexuelles homologues qui, ajoutée au phénomène culturel et au processus d’identification au parent de même sexe, va orienter la plupart des individus dans la voie hétérosexuelle habituelle. (…) Certains, au contraire, restent ambivalents; d’autres s’affirment homosexuels exclusifs; ces derniers constituent, selon Kinsey, 7 à 8% de la population. Ils ne doivent, ni à leurs yeux, ni aux yeux de la société, faire figure d’anormaux contre nature puisque le comportement minoritaire a toujours existé ».
Du point de vue génétique et morphologique, tous les examens prouvent que les homosexuels ne sont pas différents des autres individus. Au sujet du comportement, le Pr Klotz démolit un préjugé encore fortement vivace : « A propos du comportement, il n’est pas inutile de préciser que la féminité des manières, des gestes, de la voix, de la démarche de certains homosexuels n’est pas, le plus souvent, un phénomène naturel, mais un effet de la culture, du métier, voire une attitude provocatrice à l’égard d’une société opprimante qui n’aime pas les « oiseaux bariolés ». Ces homosexuels caricaturaux que les homophiles discrets appellent des « affiches » sont, en réalité, les moins nombreux ».
En ce qui concerne les différences hormonales constatées chez certains sujets homophiles, il déclare : « Il est vraisemblable que ces déviations hormonales ne soient pas la cause de l’homosexualité, mais bien au contraire ses conséquences. Je voudrais, par analogie, rappeler que la jeune fille qui, écoeurée pour telle ou telle raison (choc affectif, rupture, etc.) par le monde des adultes, dans lequel elle ne veut pas entrer, cesse d’être réglée et retourne vers les problèmes alimentaires de la première enfance (anorexie, par exemple) ».
Ainsi, dans un premier temps, la psychanalyse a renvoyé la balle à la biologie. La biologie, dans un second temps, tout en établissant des faits irréfutables, se retourne en dernière analyse, vers une explication psychologique qui tiendrait compte de l’influence du milieu. Il n’en reste pas moins qu’un véritable monde homosexuel existe et se débat à l’intérieur de sociétés qui refusent à ces individus une identité réelle, mise à part l’étiquette de pervers ou de malade. « À l’encontre de ce que d’aucuns prétendent, les homosexuels ne forment pas un groupe sociologique fermé, solidement cimenté. Ce qui les unit, c’est l’identité de leur comportement sexuel, différent de celui d’une partie de la population dont le comportement sexuel est reconnu normal ».
Comme la contrainte et la répression engendrent toujours des névroses, nous sommes en droit de penser que la répression des exigences homosexuelles et de la disposition au comportement homosexuel provoque chez les bisexuels des dommages individuels et sociaux, en particulier une beaucoup plus forte disposition à l’agressivité. Par conséquent, l’émancipation des homosexuels dans la société est une nécessité biologique et sociale, pas tellement pour eux-mêmes, mais surtout pour la société. Cette conception audacieuse commence maintenant à être admise par de nombreux psychologues et sociologues.
Robert Karmel: Peut-on parler d'une sous-culture homosexuelle?
Pierre Eddy C.: De plus en plus, on en vient à parler d’une véritable sous-culture homosexuelle qui s’élabore et se développe par transmission de rites, de fêtes, et qui s’organise à tous les niveaux de la vie sociale et politique.
La connaissance du monde homosexuel montre qu’il a les mêmes aspirations que le monde hétérosexuel. Énormément d’homosexuels vivent en couple et conduisent leur vie comme tous les autres couples hétérosexuels. La différence importante est la cohabitation avec un monde qui accepte difficilement la pratique homosexuelle.
C’est en cessant de considérer l’homosexuel comme un malade, c’est en cessant de vouloir le guérir d’une « tare » qui n’existe que dans l’esprit de celui qui le rejette, que disparaîtra ce qui est encore une véritable ségrégation de toute une minorité.
Robert Karmel: La littérature sur l’homosexualité est intéressante et l’on cherche même à comprendre comment on devient homosexuel. Parlez-nous de cette vieille croyance populaire et les écrits qui en font foi.
Pierre Eddy C. : Vous me mettez dans l’obligation de répéter les excès de ces écrits.
D’après une croyance populaire, un individu devient homosexuel parce qu’il a été entraîné, dans sa jeunesse, par un « vicieux ». Cette explication, invoquée pour d’autres déviations du comportement normal, se révèle fausse le plus souvent. Les raisons réelles sont plus profondes et doivent tenir compte d’une base constitutionnelle et d’une structure psychologique. Le docteur Doshay a étudié un groupe de 108 garçons qui, entre sept et seize ans, eurent des expériences sexuelles à la suite de séduction par des homosexuels. Ses conclusions démontrent qu’aucun de ces garçons ne devint homosexuel par la suite.
Le mécanisme et l’origine de l’homosexualité ne sont pas encore déterminés avec précision. Plusieurs théories tentent d’expliquer le phénomène, mais aucune ne se rallie à tous les suffrages des spécialistes. Nous devons donc nous contenter de certaines probabilités, car même chez les psychiatres ou les psychologues les opinions sont partagées.
Une première théorie est celle qui veut que l’homosexualité soit innée et dépende de facteurs biologiques et hormonaux. Les caractères sexuels mâles et femelles peuvent être retrouvés chez l’homme et la femme mais chez l’homosexuel il y aurait prédominance des caractères sexuels femelles. L’homosexuel serait affligé d’une prédisposition constitutionnelle et il y aurait très peu à faire pour changer cet état de choses. S’il en est ainsi, on naît et on meurt homosexuel. Cependant, le traitement psychologique des homosexuels montre que chez un pourcentage de gens l’homosexualité peut être renversée. Certains homosexuels deviennent hétérosexuels. Comment expliquer ce changement si la déviation est héréditaire ou congénitale? D’un autre côté, il est vrai que l’homosexualité est d’un traitement très difficile et que les homosexuels purs ne cherchent pas à se faire traiter, car ils ne se considèrent pas comme anormaux.
Robert Karmel : Que disent les théories psychologiques.
Pierre Eddy C. : Les théories psychologiques sont évidemment plus intéressantes et l’homosexualité est expliquée dans le contexte du développement de l’enfant en rapport avec ses expériences multiples avec l’entourage familial et social au cours de sa croissance.
Freud a fourni quelques hypothèses :
1- Le jeune garçon devient amoureux de sa mère mais comme il se sent menacé par le spectre de l’inceste, il doit réprimer son désir en supprimant tous ses désirs sexuels envers les femmes en général. Les possibilités féminines lui étant fermées, il ne lui reste qu’à s’orienter vers le mâle pour obtenir une gratification sexuelle;
2- Au lieu d’être amoureux de sa maman, le garçon devient amoureux du père qui remplace ainsi la mère. L’enfant s’identifie alors à la mère et prend ses caractéristiques féminines. L’homosexuel efféminé se rangerait dans cette catégorie;
3- Une troisième théorie est celle selon laquelle il y a arrêt du développement psychologique à la phase homosexuelle rencontrée chez le jeune garçon. Les expériences homosexuelles lui procurent beaucoup de gratification et il n’ose pas s’aventurer du côté féminin. À la puberté, le garçon est mal à l’aise et timide devant la jeune fille. S’il manque de confiance en lui, il se sent incapable de prendre contact avec l’autre sexe, craint de ne pas savoir quoi dire ou quoi faire, et, plus que tout, a peur d’être tourné en ridicule. Entre temps, il développe une habitude d’homosexualité, car il est beaucoup plus à l’aise avec les garçons qu’avec les filles. Cette fixation sera d’autant plus forte si la mère l’empêche de sortir avec les jeunes filles ou encore si elle les déprécie constamment et n’en trouve jamais une qui lui plaise.
Robert Karmel : Pourquoi parle-t-on de l’homosexualité féminine et le lesbianisme ou saphisme?
Pierre Eddy C. : Toujours d’après les écrits.
Sapho vivait dans l’île de Lesbos, en mer Égée, vers l’an 600 avant Jésus-Christ. Cette poétesse grecque au lyrisme envoûtant idéalisait les échanges amoureux entre femmes et chantait dans ses vers les plaisirs que lui procuraient ses amantes. Les femmes de Lesbos, ou lesbiennes, ont ainsi acquis leur réputation historique. Saphisme et lesbianisme sont synonymes.
Il y a moins d’homosexualité chez la femme que chez l’homme et les statistiques sont les suivantes : 25 à 30% des femmes ont eu, au cours de leur vie, une expérience homosexuelle comparativement à environ 50% des hommes; 13% ont eu des échanges sexuels avec orgasme; un à deux pour cent sont exclusivement des lesbiennes. L’incidence de l’homosexualité féminine est environ d’un tiers ou de la moitié de celle de l’homme.
L’homosexualité féminine est mieux tolérée par la société et l’on trouve normal que deux femmes s’embrassent ou dansent ensemble. La femme, en général, est plus discrète et la sexualité est moins importante chez elle que chez l’homme. Cependant, comme il y a plus de frigidité et de passivité chez la femme, il est possible que le pourcentage d’homosexualité latente soit en revanche plus élevé que chez l’homme.
Robert Karmel : Les auteurs font la même analyse du Comment devient-on lesbienne? N’exagèrent-ils pas?
Pierre Eddy C. : Pour eux c’est du pareil au même. En effet, disent-ils et je cite : Comme pour le mâle, les théories sont nombreuses et aucune ne bénéficie de l’assentiment général. La jeune fille qui se développe normalement est d’abord, comme pour tous les enfants, attachée à sa mère. En grandissant, elle accepte son rôle de femme et s’identifie à sa mère. Si elle refuse ou ne peut s’identifier, elle ne parvient pas à mûrir et doit chercher un objet d’amour qui sera le substitut de la mère et, par conséquent, une autre femme.
D’un autre côté, si une fille s’attache démesurément à son père, la situation incestueuse crée un danger trop grand et, en niant son désir sexuel vis-à-vis du père, elle doit le nier également pour les autres hommes. Elle aussi cherche alors un objet d’amour féminin.
Une théorie intéressante sur l’homosexualité féminine est la suivante : dans notre culture, la sexualité fut longtemps tabou et l’éducation sexuelle longtemps inadéquate. La jeune fille était mise en garde contre l’homme, « cette brute ». Combien de mères ne présentent-elles pas à leurs filles l’homme comme étant cet individu qui la fera souffrir par sa sexualité incessante! La jeune fille grandit avec l’idée que la mère et la femme sont persécutées par l’homme, que l’acte sexuel est un acte d’agression, qu’il y a danger de blesser les organes génitaux féminins, etc.
Le coït est considéré comme une attaque monstrueuse où le mâle transperce la femme d’une épée. L’adolescente est mise en garde contre le danger de devenir enceinte. Elle doit se méfier des « loups » qui ne pensent qu’au sexe. La mère développe ainsi chez sa fille deux peurs intenses : la peur des hommes et la peur de la sexualité. Une autre crainte, souvent présentés, est celle de la maternité. La femme imagine ses entrailles déchirées par l’enfant qui essaie de voir le jour. La jeune fille a peur du mâle et l’évite, car ainsi elle ne sera pas prise au jeu de l’amour. Ses désirs sexuels peuvent être exprimés soit dans des pratiques masturbatoires ou encore par des expériences homosexuelles.
L’homosexualité est alors basée sur la crainte du sexe opposé et aussi la crainte des responsabilités que le mariage et la procréation peuvent apporter. Il y a beaucoup d’insécurité, de manque de confiance en soit dans un tel comportement. Chez la future lesbienne la mère est souvent hostile et craint la concurrence de sa fille. Elle accepte mal son enfant et, au lieu de lui montrer à être féminine, à s’habiller de façon élégante, elle adopte une attitude qui déprécie l’enfant et l’empêche d’avoir confiance en elle. Le père est souvent un homme mou et soumis qui accepte la dictature de l’épouse.
Dialogue sur l’homosexualité
France – Canada
Décoste L. :
- Je suis homosexuel et j’ai bien aimé votre démarche de thérapeute. D’après moi, ce n’est pas l’homosexualité qu’il faudrait traiter par la psychanalyse, de toute façon, mais bien l’homophobie. Qu’en pensez-vous ?
Pierre Eddy C. :
- En effet, l’homophobie est cette peur et cette haine irraisonnées dont souffrent plusieurs personnes vis-à-vis de la gent gaie. Un homophobe est généralement lui-même un homosexuel refoulé qui a inhibé sa sexualité au point de faire une névrose. Inhibition faite au détriment de la société qui l’entoure. Les homophobes sont parfois prêts à tuer des gais, ils sont souvent de mauvais parents, de mauvais amants, et pleins de préjugés. Ils sont extrêmement plus dangereux que les homosexuels ; de fait aucune comparaison n’est possible puisque les homosexuels ne sont pas dangereux en soi.
Décoste L. :
- L’on dit que votre centre deviendra sous peu un endroit rêvé pour une cure de deshomophobisation, que répondez-vous à cette fonction ?
Pierre Eddy C. :
- L’endroit rêvé c’est beaucoup dire, mais vous avez raison, parce qu’on apprend à y connaître les homosexuels, à les voir vivre. Il faut voir, comme j’ai vu, un jeune qui pleurait à chaudes larmes sur le bord de la 138 parce qu’il venait de perdre son amant, pour comprendre qu’être homosexuel n’est pas différent d’être hétérosexuel, au niveau des sentiments. La seule différence réside dans l’objet du désir émotionnel. Il faut converser, comme j’ai fait, avec un couple gai d’une quarantaine d’année, vivant ensemble depuis 12 ans, pour comprendre qu’un couple, c’est un couple, gai ou straight. Avec les mêmes sentiments, les mêmes problèmes de fidélité, d’entente, les mêmes joies, les mêmes jalousies. Il faut voir un garçon se retourner instinctivement au passage d’un homme qui lui plaît pour réaliser que l’attrait vers le même sexe, pour 13% de la population, est quelque chose d’inné. Ou bien il faut être homosexuel soi-même.
Décoste L. :
- Au niveau de l’homosexualité féminine, certaines femmes ont répondu non à cette question et ont fait le choix politique de l’amour au féminin, le lesbianisme. Pour d’autres femmes homosexuelles, l’homosexualité n’est pas une question de choix par dépit, mais bien de réalisation de leur désir sexuel pour les femmes. Qu’auriez-vous à répondre à cette question ?
Pierre Eddy C. :
- Mais quelques soient les raisons les ayant amené à l’homosexualité, ces femmes vivent une situation de marginalité, un mépris de leur sexualité par notre société. Car socialement cette sexualité est considérée comme impossible, même si 10% des femmes interrogées lors d’un sondage ont révélé avoir eu un contact homosexuel dans leur vie et une grande majorité d’entre elles a éprouvé une attirance homosexuelle. La sexualité entre femmes est incompatible avec les conceptions établies voulant que le désir et l’énergie sexuelle viennent de l’homme et que la femme n’a de sexe en elle-même que lorsqu’elle reçoit celui de l’homme. C’est aussi un phénomène à éliminer car il met encore plus en danger cette famille déjà en perte de vitesse.
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