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Affichage des messages du août, 2013

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE - 7e partie

Cette maîtrise a un nom: la perte de l’objet. l’information ne met pas en scène l’objet réel mais les effets qu’il produit sur le sujet: Syberberg dit la même chose lorsqu’il parle de décharges déchiffrables que par leurs effets et écrit “Là où on a disposé une caméra, le marché a vite fait de se remplir”.  À cet égard Salò constitue le paroxysme de cette opérativité “néo-naturelle”.  Dans un tel système le réel se définit comme réel-à-entrer-en-opération; libre de toute médiation, l’individu nourrit le phantasme de la maîtrise totale et absolue sur ce qui l’entoure en voulant directement façonner le réel dont l’objectivité se donne comme proportionnelle au degré d’opérativité exercée.  L’altérité sociale perd tout centre et toute forme symbolique, les évènements s’autonomisent et les faits deviennent indépendants des individus, dépourvus de pensée subjective.  Ce qui signifie que personne n’est responsable, autrement dit tout le monde peut et doit désobéir.  C...

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE - 6e partie

Si pour l’école de Francfort, il s’agit de recourir au couple pratique - critique pour dénoncer et faire éclater la clôture du réel : parachèvement de la raison en système, tautologie technologique - pour Passolini il s’agit de montrer comment cela est déjà passé, oublié, vécu.  L’irréalité a dévoré le réel et toute représentation est désormais impossible.  La pensée a perdu son objet et le fascisme s’implante comme esthétique pure de l’absence de pensée.  Pasolini nomme cela l’abolition de toute médiation dialectique ou la métaphore totale de l’irréalité capitaliste.  Le film Salò est la mise en scène de cette métaphore d’irréalité dont le principe se donne comme suit : remplir par le vide et abolir tout centre ou toute connexion symbolique.  Dans ce film tout a disparu: les symboles, les objets, les individus, la figure du pouvoir, les maîtres, les esclaves, les corps.  Tout s’agence autour de la merde et cela fonctionnne - un fonctionnement qui se situe...

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE - 5e partie

Deuxième partie Les fils du peuple ne répètent plus leurs Pères.  Pour la première fois les fils bourgeois et les fils prolétaires ont une histoire commune, ils répètent une structure.  La nouvelle préhistoire c’est la constatation que l’histoire ce n’est plus désormais l’histoire bourgeoise.  Cette nouvelle structure agrégeante, agglomérante parle une langue technologique - tératologique qui profère des monstruosités linguistiques et dont la tératologie consiste à accepter toutes les choses comme naturelles et absolues.  Cette langue est la langue de la survie - elle apprend à survivre dans un présent de fatalité qui ignore tout du changement qui est coupé des sources du passé et qui n’a pas de futur.  Qu’une ville donc soit administrée par la démocratie chrétienne ou par le compromis historique des communistes, elle demeure une ville qui n’est pas alternative parce qu’une latérité ne peut être engendrée. La tolérance consumériste exerce une violence sur les co...

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE - 4e partie

Cette révolte est anti-technique, anti-univers de la technique; elle puise et repuise dans le peuple et son langage, dans les images et les correspondances spatiales et temporelles du sacré, si bien que le social dont parle Pasolini est un social sacré universel.  Le garçon héros dans Il padre selvaggio , Davidson ‘Ngibuini, à la recherche de son identité en plein colonialisme historique suprêmement civil, aurait pu être le héros d’une borgata romana d’autrefois où un ragazzo vivait la vie dans un monde préindustriel en marge des dégradations post-industrielles du consumérisme, de l’hédonisme, de la tolérance raffinée et savamment organisée et de la drogue.  Et pourtant Pasolini utilise la technique, toutes sortes de techniques, il n’y a presque pas d’oeuvres romanesques, poétiques ou cinématographiques qui se ressemblent quant à la technique utilisée. Pasolini est un grand artiste précisément parce que l’on sent la caméra, parce que l’on élit un contact avec la forme et le pr...

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE - 3e partie

Dans le mythe de Babel, comme l’a bien noté Denis de Rougemont, l’obsession de la langue unique, de l’unicité linguistique, est venue obscurcir puis desquamer la fin commune qu’on devait poursuivre.  La langue unique revêt l’autorité de la langue haute, celle du Père régulateur et pourvoyeur de connaissances techniques et s’érige en fin.  En cela elle devient rhétorique, signe de distinction des clercs et marque du Pouvoir.  Le Volgar’ eloquio se fige, son sang se coagule et perd toute expression pratique. La langue du Père acquiert valeur de parole sans appel et assèche toute activité culturelle.  Le moyen s’est donné comme fin, alors s’opère une scission entre la pensée et l’action et la grammaire (de la langue haute du Père) se dégrade en instrumentalité technique imposant la dictature des instruments comme fin.  La tour s’écroule, la vie est encadrée, la technique inflige aux dialectes des mesures paralysantes et même la grammaire haute perd toute capacité ...

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE - 2e partie

La régression pasolinienne ce n’est pas une répétition du passé ni la vaine nostalgie d’une époque ou encore la tentative de reproduire une figure du passé.  Elle signifie une insertion dans la réalité qui engage la temporalité du corps et de la langue qui parlent un présent chargé de sens et se manifestent non comme situation ou conscience historique mais comme réalité anthropologique.  À cet égard il est frappant de constater ce qui rapproche Pasolini de Rousseau pour qui le devenir historique n’est possible que par le retour à une origine, à une nature primitive dans le parcours à rebours d’une histoire hypothétique que se donne la conscience qui expulse les relations et les objets du mal. Inutile d’insister sur ce qui sépare Pasolini et Rousseau, il suffit de penser à théorème où la vérité s’exprime partout mais ne se donne jamais comme une.  Par ailleurs dans la descente qu’il entreprend Pasolini se heurte à des obstacles qui sont à la fois des objets et des médiati...

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE - 1e partie

PASOLINI ET LA VIE : ENTRE L’HORREUR ET L’INNOCENCE Pasolini était animé d’un impératif catégorique de la réalité pour paraphraser l’expression de Kant, une volonté de réalité caractérise son être, son art.  J’avais résolu d’écrire un texte global, organisé (structuré) sur l’oeuvre de Pasolini.  Estimant qu’il restait incompris ou déconsidéré, méprisé, j’ai longtemps maintenu le projet d’écrire un texte bien concentré prétendant faire le point sur “la cohérence théorique” de l’oeuvre de Pasolini.  Ce texte comportait des chapitres et des sous-chapitres dans lesquels j’envisageais d’éclaircir les concepts de répétition, de temporalité, de représentation, de régression et de situer, en les reliant, les problèmes de langue, des mythes, des rites, du pouvoir etc.... Après avoir rédigé une trentaine de pages j’ai dû renoncer à mes intentions initiales: j’avais échoué à rendre cette passion de la réalité, l’intensité explosive des idées de Pasolini. Il me semble, après ce recul...

MISÈRES DU DÉSIR - CHAPITRE X

CHAPITRE X Après avoir fait l’amour, dans le silence et la nudité de nos corps tout remplis l’un de l’autre, nous contemplons notre plénitude, tellement contents d’être homme et d’être femme.  Si différents et si semblables.  Nous sommes comme une bonne terre chaude après une averse d’été, prometteuse d’une bonne récolte. Encore une fois, c’est le dernier appel. Quand il s’éloigne d’elle, un frisson lui travaille le corps. Je t’appelle de New York et je t’attends à Madrid. À bientôt, Chérie. Mi Amor! Elle lève la main, sourit tristement et murmure : “Adieu Raùl”.  Adios Mi Amor Sur le chemin du retour, alors qu’elle s’agrippe au volant, Hélène a l’impression de rouler vers le néant. Mais elle sait qu’elle a pris la bonne décision.  Parler à Raùl de ses inquiétudes aurait tout faussé, tout gâché.  Au moins, de cette façon, les souvenirs resteront intacts. Dès le lendemain début une course contre l’anxiété et une lutte acharnée pour éviter de prendre les appels in...