LA PHILOSOPHIE - 15e partie
CHATEAUBRIAND ET L’IMAGINATION FRANÇAISE Lamartine a écrit, dans son Cours familier de littérature, que “rien ne peut peindre, pour ceux qui ne l’ont pas vécu, l’orgueilleuse stérilité de cette époque” où Chateaubriand parut et vint renouveler notre littérature. Que trouvait-il, en effet, ce grand écrivain, dans la France de 1800, lorsqu’il revint de son exil? Une littérature épuisée par deux siècles d’imitation des Grecs et des Latins; la mythologie régnant dans la poésie, la périphrase dans le style, Voltaire dans les esprits, et Rousseau dans les coeurs, vaguement attendris par un déisme grandiloquent. La société, à peine sortie du cataclysme de la Révolution, ne se reconnaissait plus dans les oeuvres où la convention, les scrupules surannés du goût prétendu classique avaient tout desséché. À ce public nouveau, frémissant d’inquiétude, soulevé de confuses aspirations, il fallait une esthétique nouvelle. Chateaubriand fut le libérateur, l’excitateur des esprits...