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Affichage des messages du mai, 2010

L'HOMME IMMIGRANT - 6e partie

L’accès des enfants à un univers culturel différent Dans les familles immigrantes, l’écart intergénérationnel est particulièrement important puisqu’il se double d’un conflit culturel, l’acculturation étant vécue à des rythmes différents par les uns et par les autres (Bibeau et al.). D’un côté, les parents tentent de communiquer à leurs descendants certains principes, attitudes, valeurs et croyances culturelles qu’ils jugent important de transmettre tout en étant eux-mêmes soumis à un processus d’acculturation. De l’autre côté, les enfants, s’imprègnent des valeurs québécoises à l’école puis, de retour à la maison, s’indignent devant certaines traditions qu’ils jugent trop exigeantes ou carrément désuètes. Cependant, si les études reliées à ce champ se centrent beaucoup sur l’expérience de la biculturalité des enfants et des adolescents (Tap et Kerbel; Malewska-Peyre et al.), il en existe peu qui accordent une place spéciale au vécu des pères. Pourtant, les pères immigrants ont des préo...

L'HOMME IMMIGRANT - 5e partie

La remise en question du pouvoir et de l’exercice de l’autorité du père L’une des seules choses qui reste à l’homme immigrant après s’être arraché à sa terre nourricière, après avoir abandonné son emploi, son statut, ses repères, ses liens les plus significatifs avec son milieu d’origine, c’est l’impérieuse responsabilité qu’il assume à l’égard des membres de sa famille partis avec lui, et qui est ravivée dans une période de bouleversement intense. C’est son autorité légitime et instituée auprès d’eux, inscrite profondément dans sa culture et son identité, à laquelle est rattaché son sentiment de dignité. Or le nouveau contexte social, économique et culturel vient remettre peu à peu en question ces prérogatives ainsi que leur reconnaissance par les autres membres de sa famille. Une étude montréalaise basée sur des exemples cliniques (Scandariato) décrit les caractéristiques importantes liées à la fragilisation de la fonction paternelle en contexte migratoire. D’abord, le père n’est plu...

L'HOMME IMMIGRANT - 4e partie

L’accroissement des demandes lié à la diminution du réseau social de la conjointe. Comme nous l’avons vu plus tôt, les responsabilités familiales des hommes issus de sociétés patriarcales les amènent à travailler à l’extérieur du foyer, tandis que les femmes sont davantage confinées à des tâches dirigées vers l’intérieur du foyer (effectuer les travaux ménagers, veiller au bien-être affectif des enfants). Néanmoins, celles-ci au pays d’origine, bénéficient de tout un réseau d’entraide qui va souvent bien au-delà de la famille élargie (Duval; Battaglini). Ainsi, la communauté fait en sorte que, si les femmes restent souvent à la maison, elles ne souffrent jamais d’isolement. Dans le pays d’accueil, ces réseaux diminuent considérablement. Une étude exploratoire de Battaglini effectuée auprès de mères immigrantes en période périnatale révèle que, au-delà des origines ethniques spécifiques, l’isolement représente un élément majeur de leur expérience migratoire étant donné la taille relativ...

L'HOMME IMMIGRANT - 3e partie

La baisse significative du statut socioéconomique du chef de famille Les hommes immigrants arrivent au Québec souvent très éduqués. Ceci est vrai autant pour les immigrants de la catégorie « indépendants économiques » que pour les réfugiés (Renaud et Gingras). En fonction de leur âge, ils sont aussi forts d’une expérience de travail et/ou d’une expertise professionnelle. Lorsqu’ils immigrent au Québec, ils se buttent à toutes sortes de barrières qui se posent comme autant d’entraves à l’accomplissement de leur rôle de pourvoyeur économique. La conjoncture économique déjà difficile s’accompagne d’une série de mécanismes d’exclusion qui touchent plus spécifiquement les néo-québécois et limitent beaucoup leur accès à un emploi correspondant à leurs capacités : barrières linguistiques, non-reconnaissance des acquis, exigence d’une expérience canadienne, protectionnisme corporatiste, contingentement professionnel, racisme et discrimination (Langlais et al.; Drudy; Renaud et al, 2001). L’étu...

L'HOMME IMMIGRANT - 2e partie

La remise en question du rôle de pourvoyeur La place qu’un homme occupe au sein de sa famille et dans la société est définie culturellement sous la forme de rôles sociaux. Selon le sociologue Guy Rocher, le rôle social consiste en « l’ensemble des manières d’agir qui, dans une société donnée, sont censées caractériser la conduite des personnes dans l’exercice d’une fonction particulière » (Rocher, 1969, p.50). Dans le cas de la famille, les membres qui la composent sont tenus d’obéir à des attentes et à des modèles précis qui définissent leurs actions conformément à la position qu’ils occupent (époux/se, père/mère, fils/fille, chef de famille). Cet ensemble de comportements et d’attitudes est en fait une adaptation à des conditions reliées au passé de la société en question (son histoire, son patrimoine culturel) mais aussi aux conjonctures d’un présent en perpétuel changement. Dans cette partie, nous tenterons de comparer les représentations des rôles familiaux masculins en vigueur ac...

L'HOMME IMMIGRANT - 1e partie

Si, depuis quelques années, un champ de recherche s’est ouvert pour aborder l’homme en tant qu’être potentiellement vulnérable ayant besoin de soutien et de services spécifiques (Dulac, 2001), la question de l’homme immigrant demeure entière. Les connaissances disponibles sur ce sujet proviennent en grande partie des travaux de recherche effectués dans le domaine de l’impact de l’immigration sur les dynamiques familiales. Or, lorsque la question du genre est introduite en ce qui concerne, notamment, la réorganisation et les relations familiales, ce sont surtout les points de vue de l’épouse, de la mère ou des enfants qui sont pris en compte, dans la perspective de leur émancipation individuelle (Labelle et al., 1987; Juteau, 1991; Legault, 1993). Ces études ont l’avantage de nous renseigner sur la modification partielle des rôles et du partage des tâches au sein des ménages immigrants, ce qui nous aide à mieux comprendre les conflits qui peuvent y survenir. Cependant, il est surprenant...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 12e partie

La vie de groupe Au fil des semaines, un noyau de participants fidèles se forme dans le groupe. Cela crée des dynamiques récurrentes, propres au groupe et aux rôles que les membres s’attribuent les uns aux autres. Par exemple, le garçon qui se montre le moins travaillant lors des activités peut devenir un bouc émissaire. Les coanimateurs ont alors à aider le groupe à articuler leurs points de vue de façon appropriée. Cela aide les garçons à parler de leurs opinions et de leurs affects et à maintenir la cohésion du groupe. La projection du théâtre intérieur Quand la confiance s’installe davantage entre les membres du groupe, il peut être intéressant de leur proposer de faire la projection du théâtre intérieur (adaptée du Parts’ Party, de Satir et al., 1991). Dans cet exercice, on demande à chacun d’eux de dresser une série de personnages très connus ou légendaires qui représentent quelques-unes de leurs propres caractéristiques positives ou négatives. Ensuite le groupe choisit une des s...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 11e partie

Le dessin du père : un défi d’initiative Pour faire appel au mode interactionnel des garçons, fondé davantage sur l’action que sur l’expression verbale, ainsi qu’à leur esprit compétitif et leur besoin de vie de groupe, L’Oiseau de feu a recours à une formule de défis d’initiative (traduction de initiative challenges), adaptée à partir d’activités développées par la commission scolaire de la Beauce-Etchemin dans leurs groupes père-fils (Enjeux, 2001). Dans L’Oiseau de feu, le défi d’initiative sert d’agent motivateur pour encourager les participants à échanger sur des thèmes portant sur l’adolescence masculine. « Le dessin du père », une des activités proposées par L’Oiseau de feu, est un bon exemple, d’un tel défi d’initiative. Les garçons sont organisés en deux équipes. Chaque équipe a à relever le même défi : ils forment l’équipage d’une navette spatiale naufragée sur une planète lointaine habitée par des êtres semblables aux humains. Le jour du naufrage est la fête des pères chez c...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 10e partie

Le comment faire Le groupe est animé par un homme ou coanimé par deux hommes ou un homme et une femme. Quand les garçons arrivent, les animateurs leur disent qu’il s’agit d’une occasion de participer à des activités amusantes qui leur permettront d’explorer ce que c’est d’être un gars. On leur dit qu’ils peuvent dire ce qui leur passe par la tête, que presque tout sera considéré comme pertinent et significatif (Malekoff, 1997). L’objectif est de dissoudre le mur de honte qui les sépare de leurs propres affects. Au fur et à mesure que se dissout le mur, ils refont connaissance avec ces affects, découvrent leurs sens et se les réapproprient de manière à ne pas les percevoir comme des menaces à leurs masculinités. Les reflets, reformulations et autres interventions des animateurs approfondissent l’échange herméneutique. Les dynamiques de groupe y sont aussi pour beaucoup. En plus, d’exprimer leurs propres idées et affects, les participants témoignent des autres qui s’expriment de façon ma...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 9e partie

Le Thunderbirds Boys’ Group Lancé au début de l’année scolaire 1996-1997, le Thunderbirds Boys’ Group vise à soutenir la consolidation de l’identité masculine adolescente sur une trajectoire saine et non-violente. Il a élu domicile à l’Académie LaurentHill, l’école secondaire publique anglophone de Saint-Laurent, une banlieue urbaine de Montréal composée de plus de quarante ethnies. À l’origine, un remue-méninges d’une heure offert une seule fois, aux garçons seulement, dans les cours de morale, le Thunderbirds Boys’ Group était une activité hebdomadaire se déroulant pendant l’heure du lunch sur une base volontaire. Il s’agissait d’un modèle ouvert et continu, qui ciblait les garçons en secondaire 1 et 2, généralement âgés de 12 à 14 ans. La prémisse est que les adolescents masculins bénéficieraient de l’occasion d’échanger entre eux sur leur vie intérieure. Cela faciliterait leur intégration psychique et améliorait leurs compétences sociales. Mais si les garçons parlent si peu entre e...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 8e partie

Les groupes de pairs pour adolescents : au-delà du vestiaire Il n’y a pas une pénurie de groupes pour adolescents masculins. Au Québec, presque chaque communauté a ses équipes de hockey, de soccer et de baseball. Les garçons se rassemblent spontanément dans les cafétérias d’école, les autobus et les centres d’achats. Les garçons se rassemblent depuis la nuit des temps. C’est en fait une des caractéristiques de l’adolescence masculine que de cultiver entre eux un sentiment d’appartenance et de loyauté (Erikson, 1968). Les garçons vivent beaucoup de choses à travers ces expériences de groupe. Selon Michèle Montrelay (citée dans Dumas, 1990, p.31), le groupe de pairs représente d’abord pour eux le corps de la mère : accueillant et acceptant. Ensuite, quand le groupe se dote d’une hiérarchie, il représente davantage le corps du père : un galon qui les aide à se mesurer, un jalon qui les aide à se situer. Quoique les activités de groupe traditionnelles des adolescents leur transmettent des ...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 7e partie

Le père absent Qu’en est-il du garçon sans père ou dont le père occupe peu de place dans sa vie ? Son identité masculine est-elle vouée à l’échec présagé par le titre bien connu, Père manquant, fils manqué (Corneau, 1989) ? Force est de croire qu’un garçon peut être en contact avec des figures paternelles autres que son père biologique et peut à la rigueur porter en lui-même une figure paternelle composée de représentations d’hommes et du travail de son imagination. Les nouvelles formes de vies familiales Le rôle paternel tel que défini par la grille psychanalytique se limite-t-il aux personnes de sexe masculin ? Est-il possible, par exemple, de trouver au sein d’un couple lesbien une figure paternelle ? Ces questions débordent du cadre du présent article, mais il demeure tout de même pertinent de souligner l’importance de telles questions dont les réponses pourraient témoigner de la grande capacité d’adaptation de l’esprit humain. La vie sexuelle C’est à l’adolescence ou au début de l...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 6e partie

L’anorexie projective Dans la mesure où il étouffera le féminin en lui, où il refusera de le nourrir ou de s’en nourrir, nous pouvons parler d’anorexie. Les stéréotypes masculins dont il tente de s’alimenter manquent de substance et sont même toxiques. Il s’agit d’une nourriture incomplète pour l’identité masculine, car dépourvue d’éléments féminins qui lui permettaient d’être en relation avec toutes les facettes de lui-même et faciliteraient ses relations avec les femmes en lui permettant de s’y identifier (Jung, 1951). Sans contact avec son intérieur féminin, l’adolescent ne peut le projeter sur les filles ni sur les femmes, ce qui pose obstacle à sa capacité d’empathie vis-à-vis d’elles. Inconsciemment, cette anorexie, ou le refus de nourrir et de se nourrir de son féminin, peut être difficilement tolérable, car la féminité du jeune ne cesse de surgir puis de s’imposer et la restriction de cette féminité est mutilante pour lui sur le plan identitaire. La souffrance qui s’ensuit peut...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 5e partie

L’adolescent et le père Toutefois, dans le retour de la dynamique oedipienne, le garçon a beaucoup plus de besoin face au père que face à la mère. Il a besoin de se mesurer à son père, de rivaliser avec lui, afin de tester ses propres capacités en tant que mâle. Il a besoin d’être vu comme un homme par son père, afin d’être confirmé dans sa masculinité. Il a besoin de regarder avec son père, dans la même direction, et de voir les choses de la même façon, afin d’expérimenter davantage la complicité masculine et d’adhérer au modèle d’homme que lui propose son père (Delisle, 2000). Il a aussi besoin de regarder sans son père, de voir les choses à sa façon et autrement que par les lunettes paternelles, ce qui peut être facilité par la fréquentation de groupes de pairs masculins. Comme l’affirmation Olivier (1980 p.67), il doit aussi passer de « l’être-comme » (identification) à « l’être-soi » (identité). Il y a donc une polarité relationnelle dans le lien père-fils, c’est-à-dire que leur r...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 4e partie

L’adolescent et la mère L’adolescent est ambivalent face à la mère. Il persiste chez lui une quête de la fusion avec elle, issue d’une anxiété de séparation, ainsi qu’une fuite de cette fusion, amorcée par son besoin d’individuation. La quête de la fusion maternelle est liée à la peur de la vie, la peur d’être un individu (Rank, 1929-1931). Cette quête peut mener à une inhibition identitaire, ce qu’Erikson (1968) nomme « rôle fixation ». La fuite de la fusion maternelle part d’une anxiété d’annihilation, ou de la peur de la mort et de ne plus être un individu (Rank, 1929-1931). Quand elle est modérée, cette fuite peut mener à la consolidation identitaire, ce qu’Erikson (1968) nomme « role experimentation ». Dans les sociétés tribales, les garçons passent de l’enfance à l’âge adulte par le truchement de rites initiatiques (Campbell, 1949). On leur fait grâce de l’adolescence. Ces rites sont menés par des mâles adultes et ont pour but de rompre le lien entre le garçon et la mère, afin qu...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 3e partie

Les attitudes envers les masculinité et féminité Le attitudes des parents envers la masculinité et la féminité sont des facteurs psychosociaux de risque et de résilience pour l’identité masculine (Pollack,1998 ;Cyrulnik,1989). Ces attitudes peuvent soit contribuer à la promotion d’une identité masculine saine chez le garçon, soit nuire au développement de son identité sexuelle. Par exemple, quelle est l’attitude de la mère envers la masculinité ? Du côté du père, est-ce qu’il trouve cela bien d’être un homme, un père ? La mère a-t-elle des croyances rigides sur ce que c’est d’être un homme ? Quelles sont les attitudes du père envers la féminité, la mère ? Comment la mère parle-t-elle du père à l’enfant ? Comment le père voit-il son propre père ? Nous pouvons nous poser les mêmes sortes de questions par rapport aux figures de l’entourage, telles que la parenté, les voisins et les amis de la famille. Il est important aussi de tenir compte de l’organisation sexuelle des contextes social e...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 2e partie

Qu’est-ce que l’identité masculine ? La masculinité varie d’une culture à une autre (Mead, 1928) et d’un individu à l’autre. L’identité masculine doit nécessairement s’échapper de la rigidité d’une description définitive saine, on peut avancer qu’il s’agit d’un certain équilibre entre les aspects masculins et féminins sur le plan intrapsychique (Jung, 1951) qui se traduit par des relations interpersonnelles harmonieuses avec les deux sexes. Bien entendu, aucun homme n’est parfaitement conforme à cet idéal. Mais cela ne l’empêche pas d’y aspirer afin de se sentir mieux dans sa peau. Dans cette page, il ne sera question que d’identité masculine hétérosexuelle et issue de la culture occidentale dominante, car les questions d’identités masculines homosexuelles et interculturelles déborderaient du présent cadre. De plus, les concepts des qualités masculines et féminines dans cet article se limitent aux concepts propres à la culture occidentale dominante. Outre-mère Le garçon ne passe pas in...

COMPRENDRE L'IDENTITÉ MASCULINE 1e partie

Pour Jean-Pierre Plouffe, la trajectoire de l’identité masculine comme celle de l’identité feminine est ponctuée d’étapes psycho-développementales qui sont autant de configurations relationnelles proposant à l’homme ou à la femme d’autres dimensions de sa masculinité ou de sa féminité. L’identité sexuelle est rarement consolidée une fois pour toute. Elle évolue d’habitude, si ce n’est qu’en termes d’ajustements subtils, tout au cours de la vie. L’adolescence est une étape critique. Cet article explore les dynamiques inhérentes au développement de l’identité masculine adolescente selon la théorie psychanalytique des relations d’objets. De plus, il esquisse des dynamiques dans l’intervention de groupe auprès d’adolescents masculins sur la question de l’identité masculine. Qu’est-ce que l’identité ? Ce sont surtout les théoriciens de la psychologie du moi qui se sont penchés sur la question de l’identité (Hartmann, 1950 ; Erikson, 1959, 1968). Hartmann (1950) préconise l’usage du terme « ...

DIFFICILE D'ÊTRE HÉTÉROSEXUEL 2e partie

On ne peut pas ne pas signaler deux témoignages remarquables tous deux pour des raisons différentes. D’abord, celui de Thomas Trahant sur l’homosexualité. On sait peu de choses sur le comportement homosexuel. On le voit de loin. On l’imagine surtout et les stéréotypes abondent. L’auteur nous propose donc quelques « portraits » très sensibles et qui ne cachent aucunement ce qui paraît être une banalité dans le monde homosexuel masculin : la multiplicité de l’aventure sexuelle. Mais ce n’est pas tout. On y voit que l’homosexuel masculin s’interroge lui aussi sur sa nature. On le voit chercher des « types » possibles, viables. Puis, le témoignage de Marc Chabot, professeur de philosophie à Québec. Son interrogation est, dans un sens, plus tragique parce qu’il représente l’hétérosexuel masculin majoritaire. Comment l’hétérosexuel peut-il se définir au sein de ce brassage social dont il est le témoin et parfois la victime? Comment résister aux assauts de l’homosexualité, du féminisme…et des...

DIFFICILE D'ÊTRE HÉTÉROSEXUEL

Non, ce n’est pas facile d’être hétérosexuel, dites-vous? C’est ce que nous apprend Jean Basile et citant le livre « Les sexes de l’homme » de Geneviève Delaisi que depuis que les « rôles sexuels ont été remis en question, il y a eu bien des interrogations et peu de réponses. C’est que le champ de la sexualité considérée dans ses rapports avec l’autre est un domaine difficile à cerner, piégé de toutes parts. C’est là, en effet, où l’être humain éprouve sa complexité. C’est là où il découvre son angoisse. Mais, lentement, des lignes directrices émergent qui permettent de mettre un peu d’ordre dans cette jungle toujours à explorer. Dans un petit livre parfois remarquable, Les Sexes de l’homme, la préfacière, Geneviève Delaisi de Parseval, dégage les deux axes principaux qui ont presque forcé les mâles hétérosexuels à réévaluer leur identité profonde : le féminisme et l’homosexualité masculine. Le féminisme, parce que le mâle hétérosexuel s’est vu soumis à un désir qui ne passait plus par...

LA FABRICATION DU MÂLE - 13e partie

CONCLUSION La culture masculine est un monde de force, de courage, de bravoure, de détermination et de victoire. Cet univers est peuplé de rois, de princes, d’amants magnifiques, de héros, de magiciens, de chevaliers superbes et d’athlètes (Nantel, 1998). Il est aussi hanté par la solitude, par la coupure du lien ainsi que par la peur de la vulnérabilité, de l’échec et de la honte. La solitude des hommes comme un aspect central de leurs difficultés, favorise le développement de plans d’intervention davantage pertinents en ce qui touche les individus, les groupes, la relation d’aide est porteuse de valeurs, d’attitudes et d’orientations qui peuvent amplifier l’isolement masculin. Une vision de la pratique, considérant les diverses institutions et les communautés. L’intervention sociale auprès des hommes est essentiellement une question de liens car elle questionne l’image associée aux rôles masculins ainsi que les rapports sociaux basés sur l’individualisme, la productivité et les valeu...

LA FABRICATION DU MÂLE - 12e partie

a) Intervenir sur les liens « homme et réseaux-sociaux » Il apparaît clairement que les normes de conduite masculines et le processus de socialisation donnent la priorité à une identification centrée sur des rôles prescrits et hiérarchisés laissant peu de place à la sensibilité. Une intervention auprès des hommes peut remettre en question les valorisations, les contraintes et les inconvénients de devoir se conformer à des rôles restrictifs. L’homme peut devenir un agent de changement visant à se définir, à redéfinir ses rôles et ses relations. La reconnaissance des composantes structurelles pourra faciliter le partage en groupe. Les rencontres de groupe permettent de faire les liens entre l’idéologie dominante, les rôles traditionnels actualisés, la socialisation masculine, les conditions de vie, les difficultés vécues et les définitions des problèmes masculins. Il importe de rappeler que la participation à un groupe peut être un processus long et exigeant qui ne correspond pas à toute...

LA FABRICATION DU MÂLE - 11e partie

b) Intervenir sur le lien « homme et réseau d’aide formelle » Dulac (1997) a documenté la difficulté du réseau d’aide formelle de répondre aux besoins des hommes en difficulté. Cette inadaptation des ressources formelles doit être prise en compte dans le portrait global de l’isolement des hommes. D’autres études, effectuées surtout dans les services sociaux à la famille, corroborent les observations de Dulac (1997) (Gaudet et Devault, 2001). Il n’est pas surprenant que ce soit les services sociaux à la famille qui soient au cœur des débats actuels sur l’intervention auprès des hommes. La famille étant le « vaisseau amiral du conservatisme », les services sociaux à la famille se retrouvent au cœur d’un bouillonnement idéologique. Canetto (1996) soulignait que les sciences humaines reflètent et contribuent à alimenter la position culturelle conservatrice faisant de la famille conservatrice Le modèle auquel toutes les autres formes familiales sont jugées et comparées. Le père cherchant à ...

LA FABRICATION DU MÂLE - 10e partie

a) intervenir sur le lien « homme et intervenant(e) » La relation sur laquelle il est possible d’intervenir, dans le but de favoriser les liens des hommes, est celle que nous établissons nous-mêmes avec les participants masculins. La prise de contact et l’accueil demeurent particulièrement fondamentaux pour soutenir ou anéantir une relation d’aide. L’établissement d’un lien de confiance et d’une relation dialogique permet un échange dans un processus de développement. Les principaux objectifs du lien entre l’individu et l’intervenant(e) sont : agir pour favoriser la confiance, connaître et apprendre ensemble, partager la solution au problème, partager le contrôle de l’entrevue et maintenir une ouverture réciproque (Lévesque et al., 1985). Les dimensions sociales des problèmes sont validées et les enjeux sociaux reconnus pour « démarquer la responsabilité individuelle et la responsabilité sociale dans la situation d’une personne » (Moreau, 1987, p.233). Les hommes nous laissent percevoi...

LA FABRICATION DU MÂLE - 9e partie

e) La judiciarisation comme réponse unique Les problématiques qui affectent les hommes mènent souvent à une judiciarisation. Le service social partage avec les institutions régulatrices une fonction de contrôle social. La violence, la toxicomanie, l’itinérance, le divorce, l’homosexualité, le chômage et même le décrochage scolaire sont encadrés par des législations. Un autre des pièges de l’intervention sociale auprès des hommes est de valoriser uniquement des actions coercitives afin de réagir à la marginalité par la dénonciation et l’encadrement. L’arrestation ou l’emprisonnement des déviants est l’ultime répétition de l’humiliation et de l’isolement ayant caractérisé la socialisation des hommes. Bédard (1998) soutient dans un historique des institutions de charité (devenues institutions d’aide) que les pauvres méritants ont droit à l’aide, tandis que les non-méritants ont droit aux tribunaux. Il précise que « pour être bon, le pauvre doit être innocent, naïf, victime, réceptif et re...

LA FABRICATION DU MÂLE - 8e partie

c) L’échec individualisé Une vision individualiste ne permet pas d’identifier les composantes sociales d’une difficulté. Ainsi, une intervention orientée uniquement vers une responsabilisation individuelle ne fait qu’accroître l’isolement et donne pour image que l’homme est le seul à ne pas réussir ce qu’il devrait normalement réaliser. L’échec devient individualisé; c’est l’individu qui ne fait pas assez d’effort, trop faible, trop sensible, trop fort, trop libre, il n’a pas assez fait, trop fait ou rien fait. C’est l’individu qui devient l’objet problématique. L’échec individualisé est un moyen puissant favorisant l’aliénation masculine et légitimant le mépris, l’humiliation et l’isolement. Les interventions qui blâment l’individu exclusivement, qui blâment les autres exclusivement et/ou qui blâment les autres exclusivement entraînent la culpabilisation et la dévalorisation individuelle (Moreau, 1982). La responsabilisation doit donc tenir compte à la fois des facteurs individuels, r...

LA FABRICATION DU MÂLE - 7e partie

b) Arrange-toi! Nous observons que les services médicaux et sociaux offerts reflètent bien les spécificités des stéréotypes selon le genre et le modèle conservateur. Un vaste réseau d’organismes et de services aident, supportent et protègent les sphères dites féminines : maternité, enfance, contrôle des naissances, santé des femmes, violence faite aux femmes, cancer du sein, maintien à domiciles, santé mentale, etc. Parallèlement des prisons, de cures fermées en toxicomanie et des services de régulation visant un changement autour de problèmes à résoudre, tels le sida, l’itinérance, la criminalité, les services pour conjoints violents et le suicide. Curieusement, il semble commun de chercher à référer rapidement une demande d’aide masculine vers un service externe. Par ailleurs, les démarches faites pour le développement de nouveaux services pour hommes sont souvent minimisées ou classées non-prioritaires. Le recensement des données statistiques sur les besoins ou les difficultés mascu...

LA FABRICATION DU MÂLE - 6e partie

III. PIÈGES DE L’INTERVENTION : LA RÉGULATION DES NORMES DE CONDUITES MASCULINES . En intervention sociale, il existe différentes approches qui s’appuient sur des idéologies variées et qui orientent les visions des situations problèmes, les analysent et définissent les prémisses dans l’élaboration des programmes d’intervention. L’intervention sociale est une action subjective qui vise à favoriser des changements individuels et sociaux en s’appuyant sur une échelle de valeurs. La notion de valeurs privilégiées est donc essentielle et centrale. Dans le processus d’aide auprès des hommes, les interventions peuvent facilement devenir paradoxales, d’une part, maintenir et perpétuer les messages dominants et conservateurs, d’autre part, invalider et discréditer les vécus masculins. Alors, les interventions deviennent involontairement un moyen de sauvegarde des valeurs conservatrices et de régulation des conduites masculines. Voici, une description des principaux pièges de l’intervention aupr...

LA FABRICATION DU MÂLE - 5e partie

c) Être seul parmi les autres Les références sociales et les sources de valorisation actuellement proposées encouragent l’individualisme et diminuent l’esprit de solidarité collective. La satisfaction individuelle est devenue le critère de référence prioritaire. Chacun tente de se définir, de préciser sa voie, sa foi et sa loi. Ainsi, chacun se retrouve seul à se faire une place parmi les autres et à tenter de trouver un sens à sa quête de bonheur. L’intériorisation des normes et des valeurs culturelles orientent les idéaux vers une ascension dans l’échelle sociale. L’individu devient le maître de sa propre destinée et l’unique responsable de ses succès et échecs. Cette croyance néglige les différences de statuts, de privilèges et de reconnaissance selon la classe sociale, le sexe, l’origine ethnique, l’âge, l’orientation sexuelle, la religion, etc. Les catégories ne sont pas identiques ou homogènes. Ainsi, cette vision évacue les différences existant entre les personnes qui, quotidien...

LA FABRICATION DU MÂLE - 4e partie

b) Être seul avec d’autres Aussi, les activités masculines (le travail, les rencontres sportives, sociales, récréatives et familiales comme les rares implications en groupe d’entraide) peuvent masquer une solitude immense derrière une image d’autonomie. Au travail, les hommes peuvent parfois établir des liens relativement proches selon les milieux et la culture de l’organisation. L’équipe de travail permet de rassembler des forces autour d’un mandat commun et d’atteindre des objectifs professionnels. De même, l’équipe sportive ou le groupe d’activités récréatives sont des occasions de vivre et de partager une certaine solidarité. Cependant, les actions sont orientées vers un but à atteindre et un objectif d’efficacité. Ces activités sont propices à la valorisation de la performance, à la compétition et désapprouvent tout lien personnel qui pourrait nuire à l’accomplissent des tâches ou le réduire. De même, dans les rencontres sociales et familiales, il est souhaitable de maintenir une ...