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Affichage des messages du octobre, 2009

Guédé ou L'Halloween

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Qui sont les guédé? Les guédé ce sont des esprits de la mort. Ils occupent par rapport aux autres loas une pulsion particulière. Ceux qui les craignent, s’esquivent à leur approche. Ils déchaînent alors une angoisse tempérée de joie. Car leurs grivoiseries, leur langage cynique et grossier, leurs chansons obscènes introduisent une cote d’imprévu désopilante, ou tragique selon l’angle sous lequel on la regarde. Leurs voix pareilles à un disque éraillé met de bonne humeur l’assistance, bien qu’elles soient un écho de l’outre-tombe. Ils dansent la banda à l’allure érotique. Leur accoutrement correspondant aux deux faces de leur personnalité, costumes noirs de cérémonie, fracs et jaquettes, robes de deuil et voilent formant la base digne de leur habillement vite dénaturé par des lunettes noires souvent rafistolées, des mouchoirs de couleur, des chapeaux tressés, des repiéçages, portent une sorte de linceul entortillé autour du cou, un drap pour bien marquer leur qualité de cadavre. Ce qui ...

FORUM DE DISCUSSION SUR LA PENSÉE DE KANT - 1e partie

2e journée sur le forum de discussion : sur la formule de Kant : « Si toute notre connaissance commence avec l’expérience, il n’en résulte pas qu’elle dérive toute de l’expérience. » Introduction – Répondant à Descartes, qui avait soutenu l’existence des idées innées, Locke avait affirmé que toutes nos connaissances résultent de l’expérience. C’est à la recherche d’un compromis entre l’innéisme cartésien et l’empirisme de Locke que fut consacré le principal effort des philosophes du XVIIIe siècle. Le compromis proposé par Kant est bien exprimé dans cette formule : « Si toute notre connaissance… » Que faut-il en penser? I. Explication. – Kant a été frappé par l’existence de jugements synthétiques à priori (expliquer), par exemple et surtout le principe de raison suffisante ou de causalité, levier de toutes les sciences et aussi de la métaphysique. Quelle est l’origine de ces jugements qui, d’une part, ne sont pas évidents puisqu’ils ne sont pas analytiques, et qui, d’autre part, ne sont...

FORUM DE DISCUSSION SUR LA PENSÉE DE LEIBNIZ - 1e partie

Forum de discussion sur la célèbre formule de Leibniz : « il n’y a rien dans l’intelligence qui ne vienne de la sensation (ou mieux de l’expérience), si ce n’est pas l’intelligence elle-même. » L’enfant, à sa naissance, n’est pas plus instruit que l’animal : il n’a même pas autant de ces savoir-faire innés que sont les instincts. Il devra tout apprendre en regardant, en écoutant, en palpant, en prenant conscience de ce qui est agréable et de ce qui fait souffrir : il devra expérimenter. Mais, étant doué d’intelligence, il pourra connaître la raison des faits qu’il expérimente et prendre conscience des vérités de raison, loi de toute pensée et condition de tout progrès. PLAN Expliquer et discuter la formule de Leibniz : « Rien n’est dans l’intelligence qui n’ait été auparavant dans les sens, si ce n’est l’intelligence elle-même. » (Grenoble, juin 1939) INTRODUCTION – Le grand débat philosophique du XVIIe siècle fut celui de l’origine des idées ou principes de la raison. Vers la f...

LES TEMPS DU VERBE - 2er partie

8. Au fond du gouffre bru________ un torrent (BRUIRE à l’imparfait) isait yait issait iait Rép. : bruissait Et : Il fuyait le soleil qui lui cuisait le visage. Rem. : Les verbes en –UIRE font leur imparfait en –UISAIS, -UISAIS, -UISAIT, etc., Exception : le verbe BRUIRE fait le plus souvent aujourd’hui : BRUISSAIS. La forme BRUYAIS est désuète. 9. Je le consomm___________ hier, le reste du pâté de canard (passé simple). ai ais é is Rép. : Je le consommai…. Mais : En attendant, je consommais (l’imparfait) tout ce qu’elle avait mis au frigidaire. Et : Le consommé-je ou le gardé-je pour demain, ce flacon de cidre mousseux? Rem. : Les verbes en –ER se terminent par –AI, -AS, -A, âMES, âTES, èRENT , au passé simple. 10. Il __________ y mettre le prix. fallait falait (Au choix) (Autre chose) Rép. : fallait Mais : Il valait mieux y mettre le prix. Rem. : Le L de FALLOIR est toujours redoublé : PRéVALOIR n’a jamais deux L : VALOIR n’a deux L qu’au subjonctif présent. 11. On percev_____...

LES TEMPS DU VERBE - 1er partie

1. Les temps du verbe J’agis donc selon l’ordre que j’avais reçu. J’AGIS est ici au présent J’AGIS est au passé simple (N’importe) (Selon le contexte) Rép. : Au passé simple. Rem. : La subordonnée au plus-que-parfait indique une antériorité par rapport à un passé… 2. Que veux-tu, il________________________avant 5h faut que j’y allais fallait que j’y aille (Cela revient au même) (L’un ou l’autre selon le sens) Rép. : il fallait que j’y aille Rem. : C’est la principale qui indique le temps absolu (passé, présent, futur). Les subordonnées indiquent un temps relatif (antérieur, simultané, postérieur). 3. Il_______________________ un temps où certains étudiants__________payer leurs études en travaillant à l’université. était, pouvaient fut, purent fut, pouvaient était, purent Rép. : fut, pouvaient Rem. : L’imparfait indique un passé quelconque, non marqué, mais le passé simple crée le « récit » : il enlève l’ancrage temporel du présent du locuteur pour le mettre à un moment du passé. Il app...

LA MARGINALISATION DES AMÉRINDIENS - 7e partie

Le marginal, clôture nécessaire d’un monde en mal d’identité La leçon est simple : tout centre pour se définir lui-même a besoin de sa marge. La marge constitue la limite à ne pas franchir pour être accepté dans la société du centre. Pour créer un marginal, prendre n’importe qui et ne pas lui reconnaître de cohérence interne. C’est ainsi qu’émergent les « sauvages », les « errants », les « fous », les « enfants » (serait-il tellement déplacé de mentionner les « femmes »), les « analphabètes », les « illettrés », certains groupes sociaux, certains groupes de travailleurs, certains tenants de sous-culture, ceux que, comme par hasard, Soi prive de rationalité. Par bravade peut-être, ou pour mieux asseoir son autorité? Plus vraisemblablement et plus simplement, dans le cas des Amérindiens au moins, parce que sans eux les Eurocanadiens et Québécois « ne pourraient sentir leur être propre »; parce qu’ils sont « ce à partir de quoi on existe », « la limite constitutive de la clôture »...

LA MARGINALISATION DES AMÉRINDIENS - 6e partie

Processus de fabrication d’un marginal C’est dans ces descriptions fabriquées par Soi que se situent le comment et le pourquoi de la marginalisation. En effet la distance qui sépare Soi de l’Autre est parcourue de chemins le long desquels courent ces descriptions : il y a par exemple le vecteur du rapport à la guerre, celui du rapport à la nature, celui du rapport au monde invisible… À un autre niveau ceux du vêtement, de l’alimentation… À une autre encore celui de la liberté… etc. Autant de chemins qui s’entrecroisent et qui surtout mènent de Soi à l’Autre. Quelque part sur chacun d’eux, une ou plusieurs failles profondes, les points de rupture à partir desquels l’Autre, irrémédiablement, ne peut plus être Soi et devient l’Autre, cet Autre que Soi ne veut ou ne peut pas être. Si l’on prend par exemple le vecteur de la guerre, il est marqué par des points de rupture que l’on appellerait : torture, scalp, meurtre de missionnaires, fête de la mise à mort… Le vecteur alimentation ...

LA MARGINALISATION DES AMÉRINDIENS - 5e partie

L’étiquetage des marges Une fois établi le système classificatoire dans lequel Soi et l’Autre entretiennent ce rapport hiérarchique, il faut esquisser le contour de l’Autre et, si possible, le maintenir à l’intérieur d’une définition facilement contôlable. Pour cela on le passera au processus de l’étiquetage, on le tiendra sous la férule de l’image globale, de la catégorisation simple, de la comptabilité, du recensement, de la liste en colonnes par deux. Ainsi on parlera souvent dans les manuels, les romans et les journaux des « Indiens » ou des « Amérindiens » ou des « autochtones » sans tenir compte des spécificités nationales, locales, linguistiques, culturelles, etc. Sous cette étiquette générale on en collera de plus particulières que l’on tendra à ranger en lignes droites quitte à forcer un peu la « réalité ». Par exemple les Algonquins seront tous chasseurs nomades et patrilinéaires, faisant le pendant parfait et clair des Iroquois agriculteurs sédentaires et matrilinéa...

LA MARGINALISATION DES AMÉRINDIENS - 4e partie

Un seul système de classification du monde Alors revient la question : comment maintenir l’Autre à une certaine distance de Soi. La valorisation comme l’infériorisation de l’Autre s’obtient bien facilement, en se situant toujours à l’intérieur d’un système que Soi à établi lui-même (c’est lui qui s’est placé au centre et c’est lui qui tient le miroir). Soi ne connaît pas les systèmes classificatoires de l’autre, il ne veut pas les connaître sinon à titre de curiosité. Soi n’est occupé qu’à ordonner le monde dans le cadre de son propre système. Dans le cas des Amérindiens, qu’on les dise supérieurs ou inférieurs aux Eurocanadiens, cette supériorité ou infériorité apparaît à l’intérieur d’un système défini par les Eurocanadiens. Par exemple, les Amérindiens sont presque toujours dits intermédiaires entre la nature et la culture. Or, que la nature soit vue comme hostile, bestiale, dangereuse ou comme généreuse, fragile, source de vie, il s’agit de toute façon de la nature telle q...

LA MARGINALISATION DES AMÉRINDIENS - 3e partie

Nécessaire rapport hiérarchique du centre aux marges Quand on se demande par quelle stratégie Soi s’arrange pour maintenir cette distance, on s’aperçoit que le processus de marginalisation ne va pas seul. Il procède d’un système classificatoire dans lequel le centre représente la norme et la frontière l’a-norme, l’ex-centrique, l’extra-ordinaire. Ce système, qui joue sur la distance, l’envisage dirait-on à la verticale davantage qu’à l’horizontale. L’Autre amérindien est inaccessible, inimitable, soit parce qu’il est trop bas, trop près de la nature, trop dépourvu de culture (trop bestial peut-être) soit parce qu’il est trop haut, trop mystique, trop près des forces surnaturelles ou extra-terrestres (trop spirituel presque). Ainsi l’Autre, théoriquement, peut-être au-dessus de Soi. Et l’Autre amérindien peut-être au-dessus du Soi eurocanadien. C’est même une tendance qui se fait jour actuellement, notamment dans les romans. Sur le plan de la sagesse, de la compréhen...

LA MARGINALISATION DES AMÉRINDIENS - 2e partie

Établir la distance par le jeu des miroirs Mais on a beau jouer théoriquement avec l’idée d’éliminer l’Autre, et plus particulièrement l’Autre autochtone, la réalité n’est pas si simple. Car en tuant l’Autre, on prend le risque intolérable de rester seul face à soi-même ou face à l’univers. Cet Autre, en fait, a son utilité. On en a besoin comme balise, comme point de repère entre Soi et l’infini, comme clôture dirait Barthes. Alors, loin de le tuer, on le crée, on l’invente. Seulement on maintient son image à une certaine distance et la longue histoire des rapports d’altérité avec les autochtones n’est peut-être que la recherche d’une distance acceptable entre l’idée que l’on se fait d’eux en tant qu’Autre et l’idée que l’on se fait de Soi. Dans sa version amérindienne, l’Autre est gardé aux frontières de l’histoire et du monde habité, à cette distance juste où il peut servir de miroir. Et c’est parce qu’il est miroir que le monde de la marge, à première vue, n’est pas obligatoirement...

LA MARGINALISATION DES AMÉRINDIENS - 1e partie

Je poursuis ma réflexion sur la marginalité mais cette fois-ci, c'est un regard sur la marginalisation des Amérindiens sur la plume de Sylvie Vincent. (…) le peuple n’a, dans cette littérature, qu’une valeur purement fonctionnelle (…). En termes formels (…) les classes pauvres, qu’aucun regard politique ne vient éclairer, sont ce pur extérieur sans lequel la bourgeoisie et l’aristocratie ne pourraient sentir leur être propre (…); les pauvres sont ce à partir de quoi on existe : ils sont la limite constitutive de la clôture. Roland Barthes (Préface aux Caractères de La Bruyère) L’Amérindien tel qu’il vit dans les journaux, les manuels, les romans québécois, est sans doute un bon exemple, - dans le sens d’un exemple fort, marqué, net – de l’Autre. Grâce à l’image qu’elle ne cesse de s’en inventer, notre société s’enseigne à elle-même comment composer avec l’altérité. C’est une question importante, une question de survie car, qui dit altér...

LA MARGINALISATION - 5e partie

Et tout cela, bien sûr, est étonnamment rassurant. La connaissance du réel et de l’authentique garantit la possession tranquille de la vérité. Ce qui était conflit et contradiction devient normal, car la vérité crue est toujours accablante, et la culture devient gérance collective du déficit et de la monstruosité : il n’y a plus de problèmes parce que TOUT est devenu problématique. On sait, maintenant, que les businessmen auraient voulu être des artistes et que les artisans aimeraient gagner beaucoup d’argent. On objectera peut-être que l’entreprise demeure toujours rien de mieux qu’une vaste fumisterie et que ce qui est appréhendé n’est jamais la réalité mais une série d’images fabriquées et marchandées. À cela il faut répondre qu’une telle distinction appartient à un ancien régime imaginaire, que rien n’est plus vrai que le monde télévisé et qu’il serait regrettable d’en laisser la seule conscience aux politiciens. Max Frisch disait que la technologie est « l’art d’arranger le monde ...

LA MARGINALISATION - 4e partie

Il est assez remarquable que les héros d’aujourd’hui soient non seulement fatigués, mais qu’ils aient largement disparu; pire encore, qu’ils se voient réduits à n’être plus que vagues et nostalgiques souvenirs ne pouvant être réintroduits qu’au travers du filtre de l’humour qui nous fera rire de Superman et d’Indiana Jones. La consultation de la liste des récents sujets de thèse en sciences sociales fera apparaître une longue série de femmes coupées en morceaux, de pauvres et de misérables, d’Amérindiens alcooliques et dépressifs, d’handicapés de toutes sortes, de vieillards déchus et déçus. Et le cinéma moderne aime beaucoup les histoires tristes et accablantes de jeunes filles de 12 ans, droguées et prostituées. Tous ces marginaux envahissent le centre de nos préoccupations. Comme si la marge était de plus en plus centrée. Et nous recherchons passionnément les nouvelles formes de marginalité, l’exploration des derniers recoins des déviations et des perversions humainement possibles. ...

LA MARGINALISATION - 3e partie

On trouvera facilement d’autres exemples. L’art est devenu obscène, en perdant sa scène : Andy Warhol peint une boîte de soupe Campbell et John Cage déclare « musique » le bruit de l’usine, de la rue ou du silence. Évidemment, des experts sont encore pressentis pour discuter si tout cela est vraiment de l’Art, alors que la nouveauté est en fait de déclarer que l’art, comme l’esthétique et la beauté, est à trouver partout. Même transformation au théâtre, qui devient souvent théâtre sans scène et presque sans acteurs : avec participation immédiate, qui retrace notre vie quotidienne et fait que le théâtre, comme le cinéma d’ailleurs, n’est plus que mauvaise télévision. Dans ce processus, le réel n’est plus effacé au profit de l’imaginaire, mais au profit du plus réel encore. Il faut surtout faire plus vrai que vrai. La disparition de la scène fait disparaître le spectacle, le jeu et l’illusion. Tout devient visible et il n’y a plus de secret : il faut connaître tous les ingrédien...

LA MARGINALISATION - 2e partie

Sans grande prétention, il semble relativement facile de reprendre ces idées déjà connues et de montrer que les interventions thérapeutiques de notre société sur la folie demeurant cohérentes avec nos façons d’organiser le travail et l’assemblage des rapports sociaux. Par contre, il me paraît plus prometteur et peut-être à long terme plus productif de suggérer l’exploration d’un argument différent, apparemment moins connu et possiblement excessif, et qui par certains aspects inverse celui d’Ellen Corin. En deux mots, cet argument contradictoire dirait que ces sociétés autres, qui semblent connaître tant de succès dans le traitement de la folie, réussissent parce qu’elles marginalisent la folie beaucoup plus que nous. Et que notre échec ne proviendrait donc pas d’une quelconque marginalisation sociale appuyée par nos institutions. En d’autres termes, ces sociétés autres réussissent parce que très largement intolérantes, alors que nous ne sommes même plus certains du lieu de la ...

LA MARGINALISATION - 1e partie

LA MARGINALISATION Pour donner suite à la Punkitude, comme forme de marginalisation, nous poursuivons notre démarche sur la marge centrée à partir d’une recherche de Bernard Arcand. L’expression « note de recherche » est peut-être aujourd’hui consacrée, mais il s’agit d’une longue question qui me semblait pouvoir être formulée à la suite d’une conférence offerte voilà quelques années par Ellen Corin dans le cadre du séminaire du Laboratoire d’anthropologie de l’Université Laval, question aussi largement inspirée par la lecture d’un ouvrage récent de Jean Baudrillard, Les stratégies fatales (Paris, Grasset 1983). Puisant à une expérience déjà considérable de la pratique thérapeutique, la conférence d’Ellen Corin résumait comment dans notre société les opérateurs institutionnels du rapport à la folie banalisent cette folie, la désocialisent en excluant son rapport au contexte social de sa production et de son maintien et, enfin, la normalisent par la création de « niches » au sein de la ...

Punkitude - 12e partie

En résumé, le choix des babas était, en réaction contre la décadence de notre société, de retrouver des valeurs « naturelles ». Partageant l’idéologie rousseauiste, ils refusaient la société dans laquelle ils vivaient et croyaient à une société meilleure qu’ils se proposaient d’ériger. Les punks, eux, se produisent dans le rôle du mauvais sauvage. Leur coiffure, l’aspect « primitif » de leurs danses sautillantes, leur musique bruyante et chaotique, leurs peintures faciales, le désordre savamment agencé de leur mise, la bimbeloterie dont ils se décorent, leurs bacchanales et violences en tous genres, tout concourt à créer cette image. Réfutant l’idée d’un retour vers une nature originelle et bonne, ils jouent aussi la carte de l’a-normalité. L’étalage des signes de la perversité sexuelle, du sadomasochisme, l’image d’hommes percés d’épingles de nourrice et de femmes dominatrices, suffiraient déjà domaine capillaire et vestimentaire. Il vise aussi les règles de la bienfaisance, de la...

Punkitude - 11e partie

Les années 70 voient aussi l’éclosion des communautés appelées « communes » (appropriation métonymique d’un glorieux passé révolutionnaire), dont certaines se livrent à la culture ou à l’élevage, d’autres à la thérapie de groupe, s’inspirant des théories de W. Reich (auteur de La fonction de l’orgasme) ou de celles de Laing et Cooper (auteur de Family Life, qui explique la genèse de la schizophrénie par l’aliénation familiale). À la fin des années 70 et au début des années 80 en France, le rock’n roll redevient la musique que l’on écoute. Mais au lieu de l’unité relative des premiers temps, on peut observer un éclatement du rock en un foisonnement de styles divers : jazz, rock, funk rock, rockability, punk rock, hard rock… En même temps apparaissent chez les jeunes divers groupes repérables d’abord par le style vestimentaire : « rockers », « teds », « skin-heads », « punks », « hard rockers », mais qui se différencient également sur de nombreux autres critères : musiques, danses, dro...

Punkitude - 10e partie

Contre-cultures et cultures des jeunes de 1960 à 1980. Nous parlerons de ces contre-cultures telles que nous les avons connues en France. Pourtant, ni la France ni l’Europe ne vivent dans un isolat en ce qui concerne les cultures des jeunes. En particulier l’influence des États-Unis s’est manifestée à plusieurs reprises durant les vingt dernières années, et donc, pour une part, les cultures juvéniles sont internationales, même si leur réalisation est toujours un rapport à une société donnée. À la fin des années 50 et au début des années 60 en France on parle beaucoup des blousons noirs, bandes d’adolescents issus de la périphérie urbaine, qui sont vilipendés par la presse unanime. En jeans, blousons et bottes de cowboy, montés sur leur moto, bien réelle ou fantasmatique selon leur pouvoir d’achat, ils sèment la terreur dans les banlieues en s’affrontant à coups de chaînes de vélos dans les bals du samedi soir. Le reste du temps, ils traînent dans leur banlieue, devant leur H.L.M. (...

Punkitude - 9e partie

Structures élémentaires de la punkitude Grandeur et décadence de la punkitude Nous avons essayé de donner dans le première partie un aperçu des traits distinctifs de la punkitude. La comparaison avec le dandysme de Baudelaire nous a permis de dégager un des éléments fondamentaux de la vision du monde de ces nouveaux dandys : le culte du paraître, du futile, face à l’impossibilité d’être. Refusant la tentative idéaliste de bâtir une autre société, les punks se campent dans le présent. Un terme qu’ils utilisent souvent pour se qualifier eux-mêmes, avec une connotation provocatrice mais positive, nous en apprend plus long sur leur philosophie : décadent, décadence. On organise à Paris des fêtes se référant à la décadence dans la Rome antique où la tenue obligatoire est la toge. Plus simplement, racontant une fête plutôt réussie, on dira : c’était complètement décadent. Que signifie cet éloge de la décadence? Il s’agit, me semble-t-il, de reprendre les valeurs de notre société de con...

Punkitude - 8e partie

Nous nous arrêterons ici, conscient de n’avoir qu’effleuré le thème du dandysme de Baudelaire. Là n’est pas notre but, et nous nous contenterons d’apporter notre modeste contribution à la définition du dandysme. Reprenant notre projet initial, nous nous interrogeons, après avoir montré les analogies et oppositions récurrentes qui caractérisent dandysme baudelairien et punkitude, sur la valeur heuristique du modèle, et tout d’abord sur notre axiome de base, l’opposition structurelle entre mouvements ou sous-cultures successifs. Aux deux époques historiques dont nous traitons, début de l’ère technique et ère technocratique par excellence, l’individu se sent écrasé par le progrès technique et réagit en renforçant la personne, en opposition à la société. Ces sociétés, celle de la bourgeoisie du 19e siècle, du mérite et de l’argent, celle du capitalisme en crise du 20e siècle, du chômage et de la bombe atomique refusent à l’individu une place à sa mesure. Mais ce n’est pas seulement so...

Punkitude - 7e partie

Refus du travail et argent À une époque où en Europe aucun gouvernement n’avait d’autre alternative à proposer aux jeunes que le chômage, les punks comme beaucoup de jeunes de cette classe d’âge revendiquent leur désoeuvrement. Ils ne voient pas l’intérêt de s’aliéner dans l’accomplissement de tâches subalternes, mal rémunérées, et qui ne représentent de toutes façons pas une situation stable. Un jeune groupe français, « Olivenstein », chantait : « Je n’ai même pas le courage d’aller pointer au chômage. » Le chômage est un thème souvent abordé par ceux qui se nomment eux-mêmes la Blank Generation (génération « vide »), par exemple dans cette déclaration d’ironie amère, imprimée sur des badges : « No dole, no dope. No dope, no hope. » (Pas d’allocation chômage, pas de drogue. Pas de drogue, pas d’espoir). Les « Drones » (parasites) se moquent de l’honnête employé de bureau. « J’étais un employé de bureau… Je travaillais de 9 à 5, très conventionnel. Je me peignais les cheveux et me l...

Punkitude - 6e partie

Dégoût de la nature Dandysme et punkitude se retrouvent dans le thème du dégoût de la nature. La dimension urbaine de tous les mouvements élitistes tient d’abord à la nécessité d’une société face à laquelle paraître : public que dans un mouvement dialectique on méprise, mais dont on a besoin comme repoussoir, et pairs engagés dans la même provocation et qui permettent une reconnaissance mutuelle. Chez les punks, la Nature ne fait pas recette, surtout parmi les jeunes hommes à la mode, comme Alan Pacadis, qui se targue d’être là, partout où il se passe quelque chose, ou plutôt d’être des « happy few » dont la présence suffit à créer l’événement. Les chroniques de ses déambulations, qui affectent un ton désabusé, paraissent dans le quotidien Libération. Arpentant les rues du Paris nocturne, il est de ceux qui déclarent : « Moi, je hais les arbres, j’aime le bitume ». Nous avons vu précédemment comme l’apparence se devait d’être construire et à quel point l’usage des maquillages, tein...

Punkitude - 5e partie

Le dandysme vestimentaire de Baudelaire Baudelaire aussi aimait à se distinguer par des extravagances capillaires. Maxime du Camp rapporte l’anecdote suivante (citée par Lemaire 1978 : 48) : Il entra chez moi avec les cheveux teints en vert. Je fis semblant de ne pas le remarquer. Il se plaçait devant la glace, se contemplait, se passait la main sur la tête et s’évertuait à attirer les regards. N’y tenant plus, il me dit : « Vous ne trouvez rien d’anormal en moi? – Mais non. - Cependant, j’ai les cheveux verts, et ça n’est pas commun ». Du Camp, montrant une connaissance intime de l’essence du dandysme, qui se veut une singularité, un avant-gardisme, mais en aucun cas une mode (car mode implique groupe et suivisme), se moqua alors de Baudelaire en prétendant n’être pas surpris, les cheveux verts étant très communs ces derniers temps. Un aphorisme de Baudelaire pourrait être repris à son compte par n’importe quel punk : « Ce qu’il y a d’enivrant dans le mauvais goût, c’est le plai...